Comment comprendre qu'à certains moments, la grâce des larmes nous soit donnée sans pourquoi, sans raison apparente ? Il faut y voir alors un « don » de Dieu au sens de « charisme », explique ici le frère Xavier Loppinet, dominicain et spécialiste de théologie mystique, dans cet essai qui évoque des expériences et figures spirituelles diverses. Plus important que celui qui pleure, ce don parle du « donateur des larmes », Dieu lui-même : « On peut bien pleurer comme une fontaine, mais pour qu'il y ait fontaine, il faut bien qu'il y ait une source. » À travers onze chapitres scandés d'autant d'excursus, l'auteur ne nous délivre pas un propos purement linéaire sur le sujet mais propose nombre d'illustrations et de questions suggestives. Évoquant « la Bible citerne de larmes », il s'attarde ainsi sur l'épisode de Joseph et de ses frères, sur les larmes du psalmiste qui n'ont rien d'une vaine prière, sur la figure de Jésus vu comme « maître ès larmes » : « Ses larmes récapitulent, prennent en compte et assument toutes les détresses humaines. Même si les hommes ne pleurent pas, lui pleure à leur place. » Poursuivant son parcours, l'auteur rencontre ensuite les larmes de Pierre, nées du « regard du Christ », celles de Marie Madeleine aussi : « On gardera toujours d'elle l'image de la pécheresse abandonnée et consolée comme si ses larmes restaient finalement sa meilleure prédication. » « Heureux ceux qui pleurent », nous dit la fameuse béatitude, qui invite l'auteur à distinguer entre les différentes sortes de larmes, de joie, de douleur, sur soi-même ou sur les autres, sur le désir de vie éternelle… De manière assez inattendue, les derniers chapitres reviennent sur les larmes mariales lors de l'apparition de La Salette, sur la petite Thérèse à qui est paradoxalement donné le don « de ne pas pleurer », lié à une forme de conversion, et même sur… les larmes d'Obélix dans les bandes dessinées de René Goscinny et Albert Uderzo. Obélix, signe de gratuité, lui aussi ? C'est que les larmes nous désarçonnent, qui viennent du plus loin que nous-mêmes. « Les larmes sans pourquoi sont celles qui ont le plus de sens. »