Comme toute biographie, ce livre nous donne les grandes étapes de la vie du père Pierre Ceyrac (1914-2012) : son enfance corrézienne et chrétienne, son entrée dans la Compagnie de Jésus, son envoi en Inde comme missionnaire (où l'a précédé un oncle jésuite, ses longues années d'étude qui en font un vrai connaisseur des langues : il est l'un des premiers européens diplômé en sanskrit et en tamoul), presque trente ans d'aumônier national des étudiants catholiques, ses treize années passées dans les camps de réfugiés cambodgiens, sa mort à 98 ans à Chennai.

Mais ce n'est pas là l'apport principal du livre. Il s'agit en fait d'une rencontre, d'une découverte de la vie intérieure du père Ceyrac, telle qu'elle se laisse entrevoir à travers ce qu'il dit, ce qu'il fait avec et pour les autres. Saisi par l'amour de Dieu qu'il vit d'emblée comme inséparable de l'amour du prochain, et particulièrement des plus délaissés, il ne cherche qu'à vivre cet amour dans toutes ses rencontres : « Tout mon exercice est d'aimer. » Ce missionnaire ne cherche ni à convertir, ni à évangéliser mais à témoigner qu'on peut vivre en aimant tous les autres parce qu'on est aimé par Celui qu'il ne nomme qu'en de rares occasions. Il entraîne donc ses étudiants à accomplir des travaux très concrets avec et pour les pauvres et « ceux qui ne connaissent pas le nom du Christ, ce nom que le père Ceyrac ne prononce pas devant ceux qui l'ignorent, perçoivent en lui quelque chose qu'ils ne savent pas nommer mais qui les bouleverse ».

C'est à quoi réussit ce livre : appuyé sur de nombreux témoignages donnant aussi la parole au père Ceyrac, nourri par une remarquable empathie pour son héros et les gens qu'il rencontre, servi par un style fluide et entraînant, plein de délicatesses, il nous permet de rencontrer cet homme saisi par Dieu et tout donné aux autres, rencontre qui continue à vivre longtemps dans le lecteur, après qu'il a fermé le livre.