Dans les Exercices spirituels, saint Ignace fait demander à celui qui prie la grâce de la honte et de la confusion de soi, afin qu'il se reconnaisse pécheur er s'émerveille devant la miséricodre de Dieu. Pourquoi une telle demande qui, d'entrée de jeu, apparaît plutôt humiliante et dévalorisante ? Est-ce vraiment ce que Dieu attend de nous ?

 

Au coeur d'une relation

La plus grande joie de Dieu est de nous communiquer sa vie pour que nous la partagions avec lui et devenions ses partenaires. Dès le début de la Genèse, Dieu adresse gratuitement la parole à Adam qu'il vient de créer dans l'attente que celui-ci lui réponde à travers la création mise à sa disposition. Mais ce qui paraît simple s'avère difficle à vivre concrètement. Le coeur de l'homme s'égare vite dans les choses créées et perd de vue Celui qui les lui donne. Très vite survient un malentendu entre Dieu et lui. Il entend mal la parole qui le fonde. Ce malentendu engendre le soupçon, le mensonge, la jalousie, la convoitise, l'orgueil, le meurtre qui finalement provoque la perversion du don offert. Comme nous le raconte la Bible, le péché ne se situe donc pas d'abord dans un rapport à la Loi mais toujours au coeur d'une relation qui n'est pas honorée jusqu'au bout. L'ingratitude prend alors la place de la gratitude attendue.

 

"Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour, selon ta grande miséricorde, efface mon péché. Lave-moi tout entier de ma faute, purifie-moi de mon offense [...] Contre toi, et toi seul, j'ai péché, ce qui est mal à tes yeux, je l'ai fait." (Psaume 50)

 

Honte, confusion, miséricorde

Le péché nous enferme sur nous-mêmes et nous fait oublier Dieu qui, le premier, nous invite à aimer. C'est pourquoi saint Ignace nous fait demander la grâce de la honte et de la confusion. Ces deux attitudes nous restaurent au coeur d'une relation. C'est devant quelqu'un que nous ressentons de la honte. C'est face à quelqu'un que nous sommes confus de ne pas avoir honoré la promesse qui nous a été faite et surtout de ne pas avoir honoré Celui qui nous l'a faite. Alors que la honte et la confusion pourraient nous replier sur nous-mêmes, elles nous font au contraire sortir de nous-mêmes pour reconnaître que Dieu est miséricordieux. Notre misère trouve une place dans son coeur comme Jésus nous l'a si bien montré à travers la parabole du père du fils prodige (Luc 15).

 

"Faire un colloque sur la miséricorde, m'entretenant avec Dieu notre Seigneur et lui rendant grâces de ce qu'il m'a donné la vie jusqu'à présent. Former le propos de m'amender à l'avenir avec sa grâce." (Exercices spirituels, n° 61)

 

→ Concrètement, comment procéder ?

Pour nous apprendre à nous reconnaître pécheurs et accueillir la miséricorde du Père, trois lieux ou temps peuvent nous aider à vivre cette démarche qui ne nous est pas toujours très spontanée : la fin de nos journées, la croix du Christ et le sacrement de réconcialiation. 

 

⋅ Au soir de nos journées 

"Seigneur, au seuil de cette nuit, nous venons te rendre l'esprit et la confiance. Bientôt nous ne pourrons plus rien, nous les mettons entre tes mains." (Hymne de Didier Rimaud sj).

Avant de nous endormir, prenons le temps de jeter un oeil sur ce que nous avons vécu. Commençons par dire merci à Dieu pour tout ce que nous avons reçu de lui et des autres, et pour ce qu'il est. Reconnaissons simplement notre ingratitude face à ses dons, nos manquements face à sa générosité. Regardons comment Jésus a vécu sous le regard du Père dans une totale remise de lui-même et dans une fidélité indéfectible. Demandons-lui de faire grandir en nous un esprit filial.

 

⋅ Aux pieds du Christ en croix

"Dieu nous a tant aimés qu'il a donné son Fils unique, ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle." (Jean 3, 16)

 

Sur la croix, Jésus nous a aimés jusqu'à l'extrême. Il a ouvert les bras pour embrasser l'humanité tout entière, celle d'hier, d'aujourd'hui et de demain. Nous tenir debout ou à genoux devant la croix de Jésus et laisser son regard se poser su nous. Nous laisser aimer à ce point et lui dire ce qui monte en nous dans cette contemplation. Lui demander comment il en est venu à mourir pour nous, pour moi sur cette croix. Entamer un dialogue avec lui en laissant parler notre coeur. Affirmer aussi notre foi en la résurrection qui nous tient debout.

 

⋅ Lors du sacrement de réconciliation

 

"Bénissez-moi, Père, parce que j'ai péché !" (Rituel du sacrement de réconciliation)

Le sacrement de réconciliation est là pour nous faire expérimenter le salon qui nous est offert. Le pratiquer régulièrement nous permet de faire la vérité avec nous-mêmes et de grandir dans la liberté. La liturgie de la nuit pascale nous fait chanter dans l'Exultet : "Bienheureuse faute qui nous valut un tel rédempteur !" et saint Paul nous dit : "Là où le péché abonde, la grâce surabonde." Mystère de foi que ce renversement de situation. Nous reconnaître pécheurs nous permet de nous accueillir pardonnés afin de pardonner à notre tour. C'est parfois un long chemin qui vaut la peine d'être parcouru pour être dans la paix et la joie.

 

 

 

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