« Le pardon, ce n'est pas pour moi. Ce ne sera jamais possible. » Cette conviction est celle d'un homme emprisonné pour meurtre. Cela fait plus de dix ans déjà qu'il purge sa peine et il participe régulièrement au groupe de prière et de parole organisé dans le cadre de l'aumônerie. Ce jour-là, la rencontre s'ouvre par le psaume 102 : « Bénis le Seigneur, ô mon âme, n'oublie aucun de ses bienfaits ! Car il pardonne toutes tes offenses et te guérit de toute maladie » (Ps 102, 2-3). L'homme est assis sur sa chaise, tête baissée, et il répète : « Personne ne pourra jamais me pardonner ce que j'ai fait. Je ne me pardonne pas à moi-même. Comment le Seigneur pourrait-il me pardonner ? » Puis, après un silence : « Non, il ne me pardonnera pas non plus. » Un autre détenu lui dit que Dieu ne condamne jamais définitivement ; l'aumônier cite la phrase de saint Jean : « Si notre cœur nous condamne, Dieu est plus grand que notre cœur et il connaît toute chose » (1 Jn 3, 20). Mais l'homme secoue doucement la tête en silence, comme s'il ne pouvait accepter que ces paroles le concernent.

Pardonner. Donner par-delà. Par-delà la faute, par-delà l'inexpiable, restaurer l'être humain dans sa dignité : cela paraît impossible. Le pardon, tout spécialement dans l'Évangile, désignerait-il l'impasse d'un chemin où la vie, à un moment donné, bute cruellement sur la réalité du mal infligé et subi ?

Le poids de la faute

« Moi, je suis né dans la faute. J'étais pécheur dès le sein de ma mère » (Ps 50, 7). Sans verser dans les dérives caricaturales qui voient dans le judéo-christianisme la source historique du sentiment de culpabilité, la seule lecture des textes de la Tradition ne permet