Préf. et éd. F. Delay.
Cerf, coll. « Parole présente »,2007, 206 p., 20 euros.


Grande figure du clergé parisien, Mgr Pezeril fut l’interlocuteur privilégié de nombre d’écrivains, notamment Bernanos, qu’il assista pendant ses dernières semaines à l’hôpital ; José Bergamín, l’Espagnol indomptable, dont Bernanos et Malraux furent les compagnons de route ; Albert Béguin, qui prit la relève de Mounier à la revue Esprit. Leur disparition fut l’occasion d’allocutions et de textes en forme de bilan et de témoignage. Certains avaient été publiés dans Études ou Esprit. Florence Delay a eu la bonne idée de les regrouper. Elle les fait précéder de deux conférences : « L’homme et sa mort » et « La mort dans la pensée de quelques contemporains ». Elle a ajouté enfin, sous le titre : « Les Prairies intérieures », des pages des carnets personnels de Mgr Pezeril, florilège de ses lectures et de ses pensées.
L’intérêt de ce livre ne tient pas seulement à la qualité des figures évoquées, au jour, admiratif mais sans complaisance, qu’il jette sur leur personnalité, ni à la résurrection d’une époque qui mit tant de consciences à l’épreuve. La mort est ici l’occasion d’une riche et sobre méditation sur le sens de la vie. Ce que, dans son ivresse lucide, le jeune Rimbaud appelait « le dernier couac » ; ce que notre époque tente d’occulter ou de maquiller sous des couches de pensée molle est ici regardé en face. L’homme est « un être pour la mort », venait de proclamer Heidegger. Mais il avait ajouté, rappelle Mgr Pezeril : « L’Être peut avoir d’autres manières que la présence. C’est malheureusement ce qu’on oublie. » La mort est plus que la mort, et la vie, plus que la vie.
L’image du « passage », retenue pour le titre du livre, est sans doute la moins inappropriée pour rendre compte et de la vie et de la mort, puisque l’une ne peut être pensée sans l’autre. La mort peut être une « Pâque », mais la vie aussi. Nous sommes tous des passants. La grâce de Mgr Pezeril fut sans doute d’avoir su se laisser aborder par nombre d’entre eux, et d’avoir su les aborder. Il nous interpelle, nous aussi.