Mystère de ces hommes au milieu desquels je vais. Je dis tout bas : « C'est toi, Dieu trois fois saint ; ton mystère en chacun, chacun unique pour toi. » Certains portent une kippa, passent des visages bronzés de Maghrébins, une tunique safran. Les uns te connaissent, sous ton nom chrétien ou sous un autre nom ; d'autres suivent d'autres voies.
Il est vrai que sur le Golgotha tu as donné aux hommes la liberté de croire ou de ne pas croire en Toi 1 ; tu pensais cela bien avant, mais, ce jour-là, tu l'as dit tout haut et de manière définitive. Là, achevant la création, tu as laissé ton Fils mourir sur la croix dans l'abandon, sans donner aucun signe qui contraigne de croire en toi. Tu veux que croire en toi soit une décision de liberté, qu'aucune évidence mondaine n'y contraigne, encore moins la crainte d'être « puni » si l'on refuse de te faire crédit. À tes yeux, ne pas croire en toi est une voie possible d'humanité, aussi bien que celle de croire en toi ; et tu ne cesses pas d'être près de ceux qui ne croient pas en Toi.
Beaucoup ont fait ce choix ou les circonstances ont choisi pour eux, ou bien ils se sont trouvés, comme disait Camus, incapables de croire en Toi. Avec eux, nous partageons l'existence ; parmi eux, nous avons des amis, un fils, une épouse, un père peut-être ; nos chemins différent et, dans le secret parfois, nos yeux s'embuent de tristesse. Cette distance profonde, au sein d'une existence partagée, peut-elle avoir un sens, pour eux et pour nous ? D'abord écouter, d'une oreille « qui ne sait pas, ouverte sur le secret » 2. Mais aussi agir ensemble et, lorsque le respect a creusé une attente, parler.
ÉCOUTER
Ce soir, Pierre sera à côté de sa femme qui l'aime sans détour, totalement, depuis des temps ; il lui arrive de dire : « Qui suis-je pour être ainsi aimé, moi si peu capable de m'engager à ce point ? » Une personne que je connais est malade à mourir, livrée, impuissante, sur un lit d'hôpital ; elle s'efforce d'accepter ce qui viendra et croit que ce n'est pas l'absurde destin, mais autre chose en quoi la vie continuera. Ne reconnais-tu pas tes enfants à cette manière de s'étonner d'être aimés absolument, de dire oui à l'existence dans sa fragilité, avec tout ce qui vient et qui est souvent obscur ?
La nuit cessera
« Il fera jour demain, me disait en prison un homme condamné à une longue peine, je...
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