Lessius, coll. « La part-Dieu », 2004, 238 p., 22 €.

« Entrons dans le chant des noces du Christ et de l'Eglise qui traverse toute la Bible et la Liturgie. » Cet extrait du commentaire du cardinal Daneels donne le ton et le fil rouge de l'ensemble de l'étude de Noëlle Hausman. Du Cantique des cantiques à la finale de l'Apocalypse, la réflexion de l'auteur s'appuie sur la grande tradition spirituelle chrétienne, pour laquelle la « vie consacrée » — sous ses différentes formes mais dont la porte d'entrée commune est le célibat consacré pour le Royaume de Dieu — n'a de sens qu'à l'intérieur du mystère de l'Eglise-Epouse du Christ. Le propos est clair : « La vie consacrée, plus que jamais, a vu, dans les dernières décennies, son sort lié à celui de l'Eglise, locale et universelle, au point qu'on ne peut plus parler du devenir de l'une sans envisager la situation de l'autre. »
Dès lors, nous ne sommes pas étonnés que l'auteur prenne largement appui sur les documents (fort nombreux) de l'Eglise, dont la pensée culmine dans l'exhortation apostolique Vita Consecrata, qui sera largement commentée.
Avec finesse et tout en nuances, l'introduction nous invite à partir de « quelques questions qui semblent hanter les consacrés eux-mêmes : où donc sera la vie consacrée demain 7 n'est-elle pas, au vu des statistiques, une cause déjà perdue dans certains coins du monde ? ». Et finalement : « L'Eglise a-t-elle d'ailleurs encore besoin de nous ? » L'auteur reprend une à une ces questions, les situant d'emblée dans une ecclésiologie renouvelée L'Eglise-Epouse du Christ est aussi mystère de communion : « On peut voir dans le troisième millénaire, plutôt que le "temps des laïcs" (...), une époque où l'Eglise, et en elle la vie consacrée, se manifestera comme un mystère de communion. »
Suivent dix chapitres répartis en trois grandes parties. La densité du propos, qui s'exprime souvent par petites touches « impressionnistes », laisse transparaître le professeur, avide de transmettre le fruit d'une réflexion de longues années de recherche, en même temps que d'attention aux signes des temps et aux interrogations de ceux et celles qui sont engagés concrètement dans cette forme de vie. Mais le professeur ne peut cacher son engagement personnel, ce qui nous vaut de belles pages qui sonnent comme le fruit d'une expérience spirituelle profonde et peuvent nourrir notre méditation, contemplation et prière.
Une présentation du Jugement de Luther sur les voeux monastiques (1521) est particulièrement bienvenue pour ouvrir, précisément, à une « ecclésiologie de communion de tous les états de vie ». C'est à la lumière de cette ecclésiologie que l'auteur cherche à spécifier ce que signifie l'engagement au célibat consacré, aussi bien en lui-même (comme expression de la sacramentalité de l'Eglise du côté de sa réponse à Dieu et de son retour vers Dieu que suscite l'Esprit) qu'au regard des autres « états de vie ». L'auteur n'hésite pas à prendre parti dans le débat qui touche à la spécificité de la consécration religieuse dans ses formes reconnues publiquement par l'Eglise, au regard de la consécration baptismale.
Des questions se posent alors quant au contenu de ce que transmet une congrégation religieuse apostolique aux laïcs associés, quant aux communautés nouvelles mixtes, quant à la différence entre célibat religieux et célibat sacerdotal, quant à l'enracinement des religieux dans l'Eglise locale, etc.
Après un chapitre en direction de la vie religieuse apostolique, spécialement féminine, sur les « nouveaux aréopages de la mission », le dernier chapitre, sur la « vocation » et la « sainteté » revient sur les fondements de la vie consacrée, dont la structure même, de son principe à son achèvement, est la louange de Dieu.
Au terme de cette lecture, c'est à l'espérance que nous sommes invités : « L'avenir de la vie consacrée n'importe guère ; qu'elle demeure sous ses formes présentes ou qu'elle s'en adjoigne d'autres (...) ne me semble pas essentiel. Ce qui compte, à mon sens, c'est que la vie consacrée d'aujourd'hui soit telle que Dieu l'attend, ou encore, dans le cas de la vie religieuse, que le dernier de ses membres soit encore en plénitude remis entièrement à Dieu. »