La toute première parole que Dieu adresse à un humain dans la Bible (Gn 3,9) est aussi la question qui monte spontanément à nos lèvres ou qui sourd à nos oreilles dès que nos smartphones ou ordinateurs nous connectent à d’autres. Cette banale question de géolocalisation oblige pourtant à une réponse qui, insuffisante ou trop imprécise, appelle des compléments. Elle ouvre une conversation où peut poindre l’inquiétude ou le sentiment de déranger, ou encore l’impression que tout va bien. La confusion d’Adam dans sa réponse témoigne justement du désordre intérieur où il se trouve avec Ève, alors qu’ils sont présents sans être là, cachés devant Dieu dont ils reconnaissent le pas et la voix. La généralisation du numérique et la densification des réseaux de communication viennent peut-être renouveler en nous la soif de la présence de l’autre, soif bien réelle quand nous nous connectons. La pratique numérique pourrait-elle, en dépit des apparences, rendre son poids de chair et de désir à la parole qui engage nos relations et nourrit nos affections ? Ou restituer opacité et mystère au corps que nous sommes toujours, même en connexion ? À la manière d’Adam et Ève dont les vêtements tout neufs qu’ils ont fabriqués cachent et révèlent à la fois la puissance du désir qui les porte, pour le meilleur et aussi parfois pour le pire.
 

Un désir de maîtrise et de liberté


Les contours du monde numérique restent encore difficiles à percevoir. En nous ouvrant à la diversité des appels et appétits qui nous sollicitent quand nous sommes connectés, la question « Où es-tu ? » permet d’avancer. C’est aussi au soir d’un premier jour d’exploration dans