Olivier Clément est retourné à Dieu ce 15 janvier 2009. Tout a été dit sur son rôle de passeur entre les mondes, les Orient et Occident chrétiens, la modernité et la plus haute tradition, son rôle dans le mouvement oecuménique, sa capacité à parler en liberté avec les papes et les patriarches, avec les jeunes et les intellectuels, la reconnaissance de sa figure à Beyrouth, Constantinople, Moscou, Paris ou Rome. Maintes fois a été rappelé son parcours de converti, élevé dans l’athéisme et advenu au Christ à l’âge adulte après une intense quête qu’il a racontée dans son autobiographie spirituelle, L’autre soleil (Stock, 1975).
Tout cela est vrai. Peu auront autant fait pour traduire en mots compréhensibles par l’Occident les richesses de l’Orthodoxie (je pense à la prière du coeur ou à la traduction en français de la Phi­localie) et amené les Orthodoxes à comprendre les constructions occidentales : son rôle dans la résolution de la question du filioque, convergeant avec le P. Garrigues, en est une traduction éclatante. Il a apporté des contributions majeures aux théologies du visage, de la beauté, du corps. Véritable poète, il savait mêler dans ses écrits philosophes et théologiens, romanciers russes et poètes anglo-saxons, donnant un goût de modernité à ce qui paraissait archaïque, et donnant au plus moderne sa pleine dimension en le rattachant à ses sources. Et s’il a raconté son chemin de conversion, c’est parce qu’il en devinait la dimension humblement prophétique, parce qu’il savait que sa vie ne lui appartenait pas.
Mais aujourd’hui, il me semble que la trace d’Olivier Clément est avant tout d’ordre spirituel. C’est son style spirituel qui donne à l’ensemble de ses écrits et de son action sa pleine cohérence. Clément est devenu, malgré lui peut-être (mais n’est-ce pas là le signe du maître ?), un maître spirituel. Dans son bel hommage lors des funérailles du théologien, Andrea Riccardi a parlé d’« amitié paternelle » pour définir le lien qui l’unissait à l’écrivain orthodoxe : je crois que cette formule pourrait être endossée par beaucoup et qu’elle touche juste, pointant la nature à la fois paradoxale et simple de la voie spirituelle qu’il a explorée au long de sa vie, et sans doute plus particulièrement – mystérieusement – lors de ses dernières années où, « pèlerin immobile », il ne quitta plus sa chambre, une fenêtre ouverte sur la ville, une icône, fenêtre sur le Royaume, po­sée à coté. Certes, Olivier Clément n’est pas le seul à avoir incarné, et annoncé, une telle amitié paternelle, tant ce type spirituel est le reflet du Dieu que nous voulons aimer. Il n’empêche qu’un héritage s’est dessiné au long des années, qu’il est temps de commencer à décrire et à partager. Comme un « à Dieu ».
 

Une spiritualité théologienne


Olivier Clément a développé une spiritualité théologienne. On sait bien que la distinction entre spiritualité et théologie n’a pas le même sens en Orient...

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