Au mois de mai 1672, une religieuse ursuline écrit du Canada au sujet de Marie de l'Incarnation : la fondatrice des Ursulines à Québec vient de rendre l'âme. Il est temps d'annoncer la nouvelle aux nombreuses relations du monastère. Dans une courte lettre, la religieuse loue les vertus de la mère décédée. Cependant, elle ajoute que l'humble constance avec laquelle Marie de l'Incarnation a porté ces qualités les a d'une certaine façon rendues transparentes à ses consœurs : « Cette continuelle égalité de vie où nous l'avons vue ne nous permettait pas d'en rien distinguer, […] pour admirable que fussent ses vertus, rien ne nous paraissait extraordinaire […]. »1

Ces paroles révèlent en quelque sorte que les saints « ne se voient pas ». Il est à la sainteté une qualité de la lumière qui éclaire et fait voir, quand elle-même n'est pas visible. Peut-être, en effet, les saints ne se voient-ils pas car « être vus » n'importe pas pour eux, mais ils se rencontrent dans les traces de leur passage. Derrière eux, des possibilités de vies nouvelles surgissent, comme la lumière permet l'éclosion de la vie. Il y a chez eux une véritable puissance d'action même face aux obstacles les plus grands et ce parfois dans une apparente faiblesse. Sur quoi repose cette puissance d'action ? En quoi leur exemple peut-il nous guider ? Dans quel sol cette femme qui semble retenue par de nombreuses entraves puise-t-elle sa force ? Ce sont les questions auxquelles l'exemple de Marie de l'Incarnation nous permet de répondre. Récoltons quelques-unes des semences qu'elle a jetées en terre et nous en tirerons profit pour aujourd'hui.

En réponse à un appel

Marie de l'Incarnation, à la fois mère, religieuse et missionnaire, est un beau fruit du XVIIsiècle, un siècle en bien des points similaire au nôtre : découverte de nouveaux mondes, troubles politiques, révolutions techniques et scientifiques (dans le domaine de la navigation notamment, ce qui permet l'accès à ces mondes nouveaux), affirmation