De tels tableaux bousculent une vision lénifiante et apaisante de notre humanité ; ils nous renvoient une image qui n'est pas sans faire penser aux visages des prisonniers de camps de concentration. Une telle peinture est-elle une dénonciation de l'inhumanité des humains, de ce que nous sommes capables de nous infliger les uns aux autres ? ou est-elle une forme morbide et nihiliste de complaisance pour la déshumanisation de l'homme, une façon d'en rajouter dans le dégoût et l'ignoble ? C'est un fait : l'art contemporain, en nombre de ses expressions, dévoile, révèle ou multiplie par complaisance ou par fascination des figures de mépris de l'homme. Et si ces artistes nous renvoyaient dans l'ambiguïté même de leur message, à une image que nous ignorons, ne voulons pas voir ? Et s'ils détruisaient l'idée complaisante entretenue par la modernité d'une humanité advenue à elle-même, honorée de toutes parts, puisqu'enfin sortie de siècles dits « d'obscurantisme » et émancipée de son statut de « mineure » pour accéder à la liberté autonome ?
UNE SOCIÉTÉ DE CONFORT
Devant les visages défigurés, torturés, engloutis, écrasés de Bacon, on est tenté de réagir et de nier ces « excès », de n'y voir qu'une mauvaise humeur trop systématique pour être prise au sérieux. Et, de fait, l'obsession pour l'horreur peut cacher tout ce que nos sociétés apportent de confort et de soutien à l'humanité présente. Car à moins d'être injuste ou de se complaire dans la noirceur, il faut tout de même rendre hommage à la société actuelle pour ses réalisations gigantesques en faveur de tous, et même des plus pauvres.
Globalement on le sait, mais, il faut le répéter, jamais société n'a apporté autant de bienfaits matériels à ses membres : multiplication des biens accessibles, protections de toutes sortes, par exemple au niveau d'un habitat confortable par rapport à ce que les plus anciens ont pu connaître (eau courante, chauffage, propreté, facilités venant des appa...
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