Les Actes des Apôtres posent un lien significatif et très fort entre les persécutions dont souffre la communauté primitive et son expansion parmi les païens 1. Bientôt on admettra presque comme une évidence que le sang des martyrs fructifie en nouveaux catéchumènes. Faudrait-il conclure que nos efforts d'évangélisation sont quasiment voués à l'échec ou à des succès mitigés et limités à quelques-uns, puisque nous ne subissons plus de persécution ouverte ? Mieux même : ne faut-il pas se demander si l'indifférence religieuse dans laquelle nous sommes plongés ne contribue pas à dissoudre du dedans l'identité chrétienne et à défaire les énergies croyantes ? Aussi, en tentant d'analyser certains aspects de cette indifférence, nous ne décrivons pas une situation qui nous serait extérieure, que nous pourrions ou devrions condamner en nous repliant dans le bastion de la foi, mais nous nous interrogeons finalement sur nous-mêmes : sur notre difficulté à croire et à témoigner comme chrétiens dans la société comme elle va.

Désinvestissement


Les thèses sur la déchristianisation de nos contemporains ne sont plus de mise et sonnent étrangement « datés » : comment déplorer une éventuelle sortie du christianisme chez des personnes qui n'ont pratiquement jamais eu de contact avec la foi chrétienne, pour qui elle est un archaïsme largement inconnu ou simplement bizarre ? Cette non-christianisation de générations entières est sans doute un échec des Églises ou l'attestation de leur incapacité à proposer leur message. Mais elle provient aussi (surtout ?) très fondamentalement d'un désintérêt pour les choses de la religion, d'un désinvestissement massif qui conduit à déserter un espace ou des réalités dont on ne voit plus la pertinence, ni en quoi il pourrait contribuer à apporter quelque chose à sa propre vie.
Le philosophe italien Benedetto Croce écrivait dans les années 40 : « Une institution ne meurt pas à cause de ses erreurs accidentelles et superficielles, mais seulement quand elle ne satisfait plus aucun besoin, ou à