La récente commémoration des origines de la Réforme a donné l'occasion de relire la Déclaration commune sur la doctrine de la justification (signée à Augsbourg en 1999). René Lafontaine commence donc par présenter cette déclaration et rappelle aussi les principaux apports du Décret sur la justification qui fut jadis promulgué par le concile de Trente. Mais son projet essentiel est de revenir aux sources mêmes des débats entre catholiques et protestants, grâce à une comparaison entre Ignace de Loyola et Martin Luther. René Lafontaine montre d'abord la « connivence » de leurs expériences spirituelles : tous deux prônent le retour à la parole de Dieu et soulignent l'exigence de la conversion personnelle. Une divergence d'accents est toutefois notable : la spiritualité de Luther est davantage ancrée dans le mystère de la Croix, celle d'Ignace est principalement inspirée par le mystère de la Résurrection. De là découlent des divergences d'interprétation en matière d'anthropologie spirituelle : c'est le cas à propos du péché originel, de la question du « libre arbitre » ou du « serf arbitre », du diagnostic porté sur la « concupiscence » ou encore du rapport entre la foi et la charité. L'auteur invite à reconnaître que, sur ce terrain, les orientations respectives d'Ignace et de Luther ne sont pas contradictoires mais complémentaires. En revanche, il y a bien une opposition irréductible dans le champ de l'ecclésiologie : René Lafontaine compare sur ce point les développements de Luther dans son traité De la liberté chrétienne et les affirmations d'Ignace dans les « Règles pour avoir le sentir véritable dans l'Église militante » (la divergence concerne pour l'essentiel le rapport à l'Église hiérarchique). L'auteur compare aussi l'action pastorale de Luther et celle d'Ignace. Enfin, il entend pallier une limite de la déclaration signée à Augsbourg : alors que celle-ci ne prend pas en compte le contexte de l'athéisme moderne, il montre la pertinence des spiritualités de Luther et d'Ignace par rapport à l'« agnosticisme athée » de notre société. Le livre s'appuie sur des analyses précises de textes luthériens et ignatiens. Comme le relève le théologien luthérien Marc Lienhard dans sa préface, René Lafontaine ne cherche pas à harmoniser indûment les deux doctrines ici présentées, mais les luthériens comme les catholiques peuvent beaucoup recevoir de la comparaison ainsi menée. L'ouvrage apporte de ce fait une précieuse contribution à la théologie œcuménique.