Marguerite Léna Philosophe, Communauté Saint- François-Xavier, Centre Sèvres et Faculté Notre-Dame, Paris. A publié chez Parole et Silence : Le passage du témoin : éduquer, enseigner, évangéliser (1999), L’esprit de l’éducation (2004) et Une plus secrète lumière : méditations pour l’année liturgique (avec R. de Feraudy, 2010). Dernier article paru dans Christus : « C’est la confiance qui nous garde » (n° 231, juillet 2011).
C’est une histoire peu banale que celle de Madeleine Daniélou, dont les Écrits 1, tous épuisés de longue date, viennent d’être publiés. La jeune et brillante agrégée des lettres, une des premières femmes de sa génération à fréquenter la Sorbonne, dans le contexte du positivisme triomphant et des lois laïques, crée à Paris une École Normale Libre qui donnera vite naissance aux « Collèges Sainte- Marie » et « Charles Péguy ». La mère de six enfants, dont l’aîné est le futur cardinal Jean Daniélou, devient la fondatrice d’une communauté de vie consacrée, la Communauté apostolique Saint-François- Xavier. La femme d’action, fidèle à ses responsabilités d’épouse, de mère, de directrice, de conseillère spirituelle, va laisser, à sa mort en 1956, huit livres, sans compter d’innombrables conférences, lettres de direction spirituelle, notes intimes, qui restent le trésor encore inédit de la Communauté Saint-François-Xavier. Grâce aux éditions du Cerf et à la ténacité fervente de Blandine- D. Berger, s.f.x., à qui nous devons déjà une biographie remarquée de Madeleine 2, ces huit livres sont désormais à nouveau accessibles.
Une expérience mise en mots
À lire simplement leurs titres, on peut s’interroger sur ce qui fait l’unité de ces textes. Leurs genres littéraires sont divers, ouvrages de réflexion, récits historiques, prières… Ils concernent à la fois la philosophie, la théologie, la spiritualité. Leurs premiers destinataires étaient variés : parents et éducateurs, jeunes anciennes ou élèves aînées des « collèges Sainte-Marie », ou plus large public. Surtout, ils émanent d’une femme dont l’oeuvre essentielle ne fut pas tant d’écrire (elle parle de son activité d’écriture comme d’« une vocation tardive ») que d’inspirer, animer et diriger une communauté de vie consacrée et une oeuvre d’éducation. Mais c’est peut-être justement ce double caractère, inclassable et relativement tardif, des écrits de M. Daniélou qui en fait l’intérêt et la permanente actualité. Car nous n’avons affaire ici ni à une théorie de l’éducation, ni à une théologie de l’engagement chrétien dans les tâches temporelles. Même si ces livres apportent, sur chacun de ces points, des lumières vives, souvent en avance sur leur temps et comme pré-accordées au concile Vatican II, ils ont une autre source et une autre portée. Ils mettent en mots une expérience, et leur unité est celle de cette expérience. « Une oeuvre, écrivait Madeleine, a pour point...
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