Cerf, coll. « Histoire », 2002, 328 p., 25 €.
 
Personnalité étonnante que celle de Madeleine Daniélou qui, à l'âge de trente ans, avait déjà eu le temps d'être la première femme agrégée de lettres de l'Université Française (1903), d'épouser (1904) un futur ministre de la troisième République et d'en avoir ses trois premiers enfants, de créer (1907) et diriger l'École Normale Libre qui deviendra ensuite l'Université Libre de jeunes filles de Neuilly, et de fonder (1910) l'Association Saint-François-Xavier, prémices d'une nouvelle famille religieuse originale ! Madeleine Daniélou va ainsi, pendant un demi-siècle, cumuler les tâches de professeur et de directrice d'Ecole, et, plus exceptionnel, de mère de famille et de supérieure de communauté religieuse.
« Grande éducatrice et femme de cœur », titrait France-Soir pour annoncer son décès. Sa présente biographie introduit le lecteur dans le milieu intellectuel de la première moitié du XXe siècle, non sans évoquer son activité multiforme et souligner le rôle important de conseiller tenu par le Père jésuite Léonce de Grandmaison.
Plusieurs chapitres synthétisent son « enseignement spirituel » et ses « vues éducatives ». Retenons-en quelques phrases, et d'abord à propos de son attachement au Saint-Esprit : « Se rendre et se garder capables d'être enseignés par Dieu, docibiles Dei. » Ce qui permet cette « obéissance d'en bas », fruit de l'écoute commune de l'Esprit Saint par une fille de Saint-François-Xavier et sa supérieure. « En agissant sur les facultés humaines, [l'Esprit Saint] leur permet de se dépasser elles-mêmes, il leur donne une puissance plus grande un jeu plus délicat. » À propos de la tâche éducative : « L'éducateur est un messager à la manière des anges de l'Ancien Testament qui apparaissent et s'effacent après leur mission » ; « L'éducateur n'a pas le droit de vieillir, d'être le témoin pétrifié d'un autre âge... » Et surtout bien significative de l'engagement de toute sa vie, cette conviction de l'unité profonde entre la culture et la vie spirituelle : « La culture rend plus capable de Dieu. »
Face à une personnalité aussi originale et à une situation aussi exceptionnelle, le lecteur est en droit de se demander comment se déroula la « double vie » de Madeleine Daniélou, ou plutôt ce qui en fait l'unité. Ses enfants sont présents, certes, et un peu son mari, Charles, « ce fidèle compagnon », mais, incontestablement c'est la fondatrice qui est sur le devant de la scène.