Pour nous qui sommes en état de guerre, il est très important de sentir qu'il y a des personnes qui s'intéressent à notre réalité. Je suis convaincu que la solidarité ne peut grandir que si nous pouvons nous reconnaître les uns les autres comme membres de la même humanité, malgré nos différences. Je veux vous remercier pour l'occasion qui m'est donnée de pouvoir réfléchir à notre réalité et de pouvoir la dire avec mes propres mots. La situation de la Colombie est très complexe. Cependant, au milieu de cette complexité on peut discerner de très profondes causes structurelles, en même temps que des causes conjoncturelles qui n'expliquent pas complètement la réalité mais rendent la situation encore plus grave. Les causes conjoncturelles ont beaucoup à voir avec la situation mondiale et les modèles politiques, économiques et culturels en vigueur : l'influence des décisions globales sur les contextes locaux est indéniable. Non que nous refusions d'assumer nos problèmes : ce qui se passe ici est de notre responsabilité et la solution doit venir de nous-mêmes.
Je commencerai par présenter la situation colombienne et les causes qui ont conduit notre pays au marasme actuel. Je voudrais donner une perspective structurelle, afin d'expliquer pourquoi la crise s'est aggravée depuis les années 90. Enfin, je montrerai comment l'Église s'engage dans ce contexte.

LA SITUATION COLOMBIENNE


La Colombie connaît aujourd'hui une grave « crise humanitaire ». Nous vivons au milieu d'un conflit armé qui a déjà produit de nombreux morts au sein de la population civile. Des analystes, dont Daniel Pecaut, parlent d'une « guerre contre la société ». Les guérillas des années 70 se sont transformées en groupes dont l'idéal révolutionnaire s'est affaibli en ouvrant la porte aux trafics de drogue et à des pratiques terroristes d'intimidation de la population civile allant bien au-delà des