Le grand spécialiste de Charles de Foucauld passe en revue les différentes manières dont a été célébré le centenaire de la mort du religieux. Il s'attriste de constater qu'une fois de plus le visage définitif de Foucauld, celui qui s'est affirmé au cours des dix dernières années de sa vie parmi les Touaregs comme « défricheur évangélique » et dont l'unique fondation fut l'Union, sodalité apostolique ouverte à tout chrétien (clerc, religieux ou laïc), a échappé aux flambeaux de la ferveur et de la publicité. L'image qui s'impose encore et toujours, c'est celle de l'ermite, construite par la biographie de René Bazin en 1923 ; c'est aussi celle qu'ont diffusée les fondations de René Voillaume et de sœur Magdeleine : pour admirables qu'elles soient, celles-ci ne correspondent pas au genre de vie qu'avait choisi « le dernier Foucauld » ; genre de vie dans lequel il s'était épanoui et qu'il a souhaité instituer et partager, au sein de l'Union, avec d'autres chrétiens, dans les missions lointaines comme dans les déserts spirituels de la vieille Europe.

Pour expliquer cette ombre qui s'étend toujours sur l'Union, point n'est besoin d'imaginer de sinistres complots. La légèreté de sa structure, la souplesse de ses exigences, la modestie tout évangélique de ses objectifs et des moyens mis en œuvre suffisent à la tenir à l'écart des feux de la rampe et des trompettes de la renommée. Rien de spectaculaire, ni de folklorique. Il s'agit de préparer le terrain à la semence évangélique, sans tracteurs ni diesel. « Faire amitié » et « être bon ». C'est à la portée de tout le monde. C'est peut-être cela qui laisse indifférente une opinion publique portée sur le sensationnel. Il n'empêche que les conceptions modernes de la mission, entérinées par Vatican II, doivent beaucoup au dernier Foucauld, au moins autant qu'à Thérèse de Lisieux. C'est déjà beaucoup.