Après avoir balisé les conditions dans lesquelles se prépare et peut se vivre une « saine et bonne élection » (Exercices spirituels, 169-174), la matière sur laquelle peut porter cette décision, et ce qui peut arriver quand la prise de décision n'est pas droite (Ignace parle alors d'élection « oblique »), les Exercices nous décrivent la manière dont il peut être habituellement donné de faire élection : « Trois temps en chacun desquels on peut faire une saine et bonne élection. » « En chacun desquels » : non pas trois temps successifs, mais trois manières différentes de vivre dans le temps le moment du choix. Je vais les prendre l'une après l'autre, en donnant quelques exemples qui peuvent éclairer tel ou tel aspect de ce que suggère Ignace.

Premier temps, ou première manière

Quelque chose est donné immédiatement ou, comme diraient les règles de discernement de la deuxième semaine, « sans cause préalable », c'est-à-dire gratuitement : cela n'apparaît pas comme le fruit d'un travail de réflexion. La personne est saisie, comme le montrent les exemples bibliques de Paul et de Matthieu. Cela ne peut être attribué qu'à Dieu qui « meut et attire la volonté de telle sorte que, sans douter ni pouvoir douter, l'âme fidèle suit ce qui lui est montré » (Ex. sp., 175) : la confirmation semble alors intérieure à la décision, il n'y a donc rien à ajouter sur le moment, les Exercices n'en disent pas plus.

Il m'est arrivé d'accompagner quelqu'un qui me disait avoir fait, précédemment, une telle « élection » et qui, alors que je l'invitais à un moment de la deuxième semaine des Exercices, à relire le texte d'Ignace sur les « Trois temps », remettait en question le fait d'avoir à reprendre, l'année suivante, une telle décision vécue « sans douter ni pouvoir douter ».

Toutefois, le cadre et l'enjeu de la retraite avaient changé ; ce n'était plus le désir d'entrer au noviciat ni de choisir peu après, au cours d'un mois d'Exercices, de vivre dans la Compagnie ; il s'agissait maintenant de le faire avec toute l'expérience d'une année de plus : c'était déjà une autre décision qui pouvait confirmer les précédentes (et à plus forte raison quand on la reprend après quinze ans ou plus de vie religieuse, au cours d'une retraite de « Troisième An »).

Si le Seigneur avait vraiment donné de vivre ces premières étapes, il n'y avait aucune raison, bien au contraire, de ne pas