Nous sommes traversés de sentiments multiples, à certains d'entre eux nous accordons un traitement de faveur. Les accueillant avec reconnaissance, nous en faisons une fière promotion : la joie et la bienveillance, parmi tant d'autres, sont de ces émotions qui ont droit aux honneurs.

Certains sentiments, en revanche, restent « persona non grata ». Cependant, incapables de les anéantir ou simplement même de les ignorer, nous les confions à mi-voix dans le secret d'un confessionnal ou aux oreilles bienveillantes de notre accompagnateur. Est-ce parce que nous pressentons confusément qu'ils ont une place dans notre relation au Seigneur ? Non par défaut, en ce qu'ils seraient un frein à celle-ci, mais justement parce qu'il arrive qu'ils fassent retentir des alarmes salvatrices.

N'allons pas nous enorgueillir d'être habités par la colère, la tristesse ou le dégoût mais accordons-leur notre attention, non pour les canoniser mais pour en tirer profit. Évitons de porter d'emblée un jugement moral sur nos affects. La colère qui monte en moi de façon répétée face à telle situation dit-elle que je suis mauvais ou est-elle l'écho d'une blessure étouffée ? Mon sentiment d'orgueil impossible à taire est-il un péché à confesser ou la manifestation d'un besoin vital de reconnaissance ?

La réponse à la question « quel est le bon chemin » ne réside pas en un unique « manuel de l'homme de bien » écrit pour tous mais plutôt dans le regard attentif que nous posons chacun sur ce qui nous habite afin d'y percevoir ces ombres qui révèlent la lumière. Le Seigneur nous rencontre précisément dans notre capacité à discerner parmi nos « humeurs » celles qui nous indiquent notre propre chemin vers lui.