Ce petit livre est un hommage à cinq femmes de l’Écriture qui ont tout laissé, famille, peuple, pays, religion, par désir de connaître le Dieu unique et de faire partie du peuple d’Israël. Elles sont scandaleuses, parce qu’étrangères, prostituées ou adultères. Mais alors qu’elles n’appartiennent pas au peuple élu, elles s’inscrivent dans la généalogie du Messie et Matthieu fait figurer leurs noms dans celle qui ouvre son évangile. «â€¯Voici que, dans la précieuse ascendance du Messie, sont greffées des femmes [...] de peuples différents. [...] L’histoire hébraïque éloigne d’elle le sceptre de la pureté du sang. » Voici Tamar qui s’est vêtue en prostituée pour tromper Juda et devenir mère en Israël ; Rahab, une prostituée qui cache les espions de Josué venu conquérir Jéricho et choisit d’habiter au sein d’Israël ; Ruth, de la famille de Moab, qui suit Noémie sa belle-mère en Israël et, sur ses conseils, se couche auprès de Booz qui la rachètera en l’épousant ; Bethsabée, la femme de Urie le Hittite, qui épousera le roi David et engendrera Salomon. «â€¯L’histoire de l’Écriture sainte s’accomplit au milieu du sang et de la misère et non dans la paix d’un couvent. » Enfin, c’est Marie, avec Joseph comme compagnon, qui tombe enceinte avant d’être mariée. Joseph, dont le nom iasàf signifie «â€¯celui qui ajoute », s’ajoute comme père à l’enfant qui n’est pas de lui et préserve Marie des pierres de la Loi en lui donnant son nom d’époux.
Erri De Luca s’appuie sur sa connaissance de l’hébreu. Il souligne ainsi le lien de Ruth à Noémie que connote le verbe «â€¯s’attacher » que l’on emploie pour Élohim (Dt 30,20). Ou revient sur la traduction (masculine) de la racine
ètzev par «â€¯douleur » à propos de l’accouchement (Gn 3,16) pour rappeler que le terme veut dire «â€¯effort », «â€¯fatigue » et lire la parole adressée
à la femme d’abord comme une
constatation, et non une condamnation, encore moins une expiation. Sa lecture – à nouveaux frais – rappelle ce que ces histoires ont de dérangeant, mais aussi de «â€¯juste », comme le reconnaît Juda à propos de Tamar.
Le livre est aussi doté d’une belle iconographie, de tableaux du Caravage, de Cranach, de Poussin, certains bien connus, tous bien choisis.

Natalie Héron