Dans le sillage de « Diaconia 2013 – Servons la fraternité », quelques auteurs cherchent à renouveler la réflexion théologique en se mettant à l’écoute de la parole de personnes vivant des situations de grande précarité. Frédéric-Marie Le Méhauté, jeune théologien franciscain, engagé avec des personnes marquées par l’exclusion et membre du comité théologique de « Diaconia 2013 », s’inscrit dans ce mouvement avec son ouvrage Les messagers du festin.
Le livre déploie une réflexion sur la question de la communauté : Comment se constitue un corps social qui n’oublie pas les plus fragiles ? « Pourquoi les relations entre et avec les plus pauvres sont-elles fondatrices d’une fraternité ouverte à tous ? » (p. 25). Quel est le cœur d’un lien social d’une telle teneur ?
Pour répondre à ces questions, l’auteur ne s’arrête pas à une critique sociale, mais il cherche ce qui met en travail vers une société qui appelle chacun sans en oublier un seul. Pour y parvenir, l’ouvrage part de l’écoute rigoureuse de deux paroles : celles de personnes vivant la précarité et celles de personnes choisissant de tisser avec elles des relations d’amitié. Les expressions « la famille », « comme nous » et « peuple du Quart-Monde », issues des témoignages des personnes, sont alors étudiées théologiquement en écho avec la péricope de Philippiens 2. Puis ces témoignages sont mis en résonnance avec la parabole des invités au festin des noces dans la version de l’Évangile selon Matthieu (22,1-14). Cette mise en écho conduit à des déplacements insoupçonnés : les plus pauvres ne sont pas seulement destinataires de l’invitation au festin, mais ils se révèlent être les messagers de l’invitation, les « hérauts de la noce » comme dit l’auteur. Dès lors, ce ne sont plus les pauvres qui sont accueillis par la communauté, mais c’est à partir d’eux que surgit la communauté. Leur invitation hospitalière permet aux personnes de se réunir et de faire communauté. Saisissant renversement que l’auteur explicite avec une belle vigueur ! L’étude dévoile ainsi que la communauté n’est pas liée à un patrimoine ou à une identité commune, elle n’est pas non plus l’horizon d’un pacte social, mais elle naît d’une mise en itinérance à partir d’un même appel à chercher ceux qui manquent encore, et à cheminer tous ensemble vers une vraie fraternité. La communauté est ainsi un corps en genèse de retrouvailles. Au gré de la réflexion, l’auteur invite à lire le jugement comme un appel, et à regarder la foi avant tout comme une expérience collective. En un dernier temps, l’auteur explore les conséquences politiques et théologiques d’une telle compréhension de ce qui constitue la communauté.
Une lecture vivifiante et fort stimulante par les multiples champs abordés au fil de l’étude.
 
 
 
Laure Blanchon