Cet ouvrage de la théologienne Sylvaine Landrivon se consacre à la réhabilitation du destin théologique de Marthe et Marie. Une partie des analyses aborde également et nécessairement les figures de Marie, mère de Jésus, et Marie, dite « la Magdaléenne ».

Pourquoi faire un focus sur le village de Béthanie, celui de Lazare et de ses deux sœurs ? En quoi les scènes racontées par l'évangile de Luc, et surtout celui de Jean, méritent-elles qu'on en tire des leçons théoriques et pratiques ? C'est que l'analyse narrative montre comment, en ce lieu, les rencontres de ces deux femmes avec Jésus, dont elles étaient amies proches, ont suscité des attitudes, des échanges de paroles, des déplacements du corps et de l'esprit qui permettent de « remodeler l'ensemble du schéma mort et résurrection », ce schéma trouvant sa pleine signification dans le récit final de l'onction dite « de Béthanie ». Entre abaissement et relèvement, c'est le processus de « déification » de la vocation humaine (selon saint Irénée) qui se voit éclairé et révélé ici. Mais, comme le montre l'auteure, le système clérical a figé ces itinéraires de femmes en commençant par oublier tout un pan de la patristique qui leur a consacré de magnifiques commentaires, d'une modernité sans doute hors sujet pour l'époque. Puis la Tradition les a consignées soit dans des fonctions maternelles et ménagères (le grand « idéal féminin »), soit les a enfermées dans le péché. La « nouvelle hypothèse » (pp. 85-105) sur la Magdaléenne est tout à fait éclairante pour comprendre ce processus de déclassement. Ces femmes ne feront donc jamais nombre avec les Apôtres, ni ne partageront leur destin en matière d'enseignement et de gouvernance, en dépit des initiatives de Paul. Marie, mère de Jésus, bénéficie d'un statut à part mais la puissance politique du Magnificat reste encore largement minorée (pp. 144-148). Sa sacralisation la met hors de toute atteinte des sphères dédiées aux seuls hommes.

La manière de procéder – articulant théologie, patristique, philosophie et exégèse – donne à l'ensemble un aspect quelquefois éclaté et conceptuel mais cela semble inévitable pour une réflexion rigoureuse. La fin de l'ouvrage propose des pistes pratiques pour aujourd'hui mais, surtout, l'auteure y livre « des motivations personnelles ». Cette partie est portée par l'esprit de ces femmes de Béthanie. Sylvaine Landrivon partage et assume leur héritage. Sans cette partie plus politique, Béthanie resterait un vœu pieux ou une simple leçon de théologie. Des femmes ont osé des paroles et des gestes à Béthanie, fortes de leur grande amitié avec Jésus. D'autres aujourd'hui perpétuent cette amitié et osent encore. Voilà une très bonne nouvelle !