Christus : Le film québécois Les invasions barbares (2003) de Denys Arcand a remporté un vif succès, tant critique que public. Arcand, né dans les années 40, s’est d’abord taillé une réputation comme documentariste avant de se faire connaître comme cinéaste de fiction. Les invasions barbares se présente comme le second volet du Déclin de l’empire américain (1986). Dans cet entretien, nous analyserons ce film sous l’angle de la rupture, des ruptures. Le titre même du film évoque le dernier grand événement de rupture d’envergure mondiale que nous ayons connu, à savoir la destruction des Twin Towers le 11 septembre 2001. Un chercheur en sciences politiques, lors d’une émission dont on voit un extrait au début d’une scène, estime qu’en effet cet événement inaugure l’ère des « invasions barbares ». Pourquoi « barbares » ? Le politologue estime que cette attaque s’est faite de façon inattendue, tota­lement sauvage, sans raison stratégique apparente, puisqu’il ne s’agissait évidemment pas d’envahir New York. Cette invasion ressemble un peu à celle des Huns, dont le but n’était pas de s’installer en Europe mais seulement de la piller. L’une des forces du film est de montrer en quoi cet événement est symptomatique de la vie telle que nous l’avons voulue en Occident. Mais commençons par l’histoire…
Marie Guillet : L’intrigue est assez simple, d’une certaine façon. C’est l’histoire de Rémy qui doit avoir la soixantaine et qui est atteint d’un cancer en phase terminale. Il est marié avec Louise ; ils sont séparés depuis longtemps ; il l’a toujours trompée. Ils ont eu deux enfants : Sébastien, un