L’accomplissement d’une maternité est l’oeuvre d’une longue patience : patience des neuf mois de l’attente de la naissance, patience devant la lente croissance du nourrisson et du petit enfant qui va demeurer si longtemps dépendant, patience devant les surprises de l’adolescence, patience devant de longues études ou formations durant lesquelles le jeune homme ou la jeune fille seront toujours un peu ou beaucoup à charge des parents. Lorsque la responsabilité parentale au sens propre sera achevée, la relation avec l’enfant devenu adulte n’est pas finie pour autant. Il faut accepter la séparation et bien des mutations venues de la liberté d’un ex-enfant qui engage sa vie à son propre compte et se détache inévitablement de ses parents. Bref, une mère n’a jamais fini d’être mère.

Une mère « ordinaire »


Il en est allé exactement ainsi pour la Vierge Marie : elle a vécu toutes les patiences de la maternité, avec ce que celles-ci comportent d’incertitudes, d’obscurités, d’angoisses et d’incompréhensions. Elle en a vécu tous les âges, les dangers de la naissance en voyage et de la fuite en Égypte, l’incompréhension devant la fugue d’un adolescent échappant à son autorité, le détachement d’un fils devenu adulte et engagé dans une mission qui la dépasse, la mort enfin de ce fils, la plus cruelle et la plus intolérable pour une mère que ses enfants doivent normalement prolonger dans la vie. Il nous faut décidément lui enlever les couronnes et les somptueuses robes de certaines statues qui la situent dans un monde artificiel et rejoindre la jeune fille et la jeune femme « ordinaire » 1 de Nazareth, menant la vie la plus banale qui soit au sein de son peuple. Elle a accepté sans doute une maternité exceptionnelle, mais celle-ci s’inscrit, au nom même de l’incarnation, dans les normes incontournables d’une maternité humaine :
« Depuis le jour de la nativité, et durant les années qui ont suivi à Nazareth, Marie a été pour Jésus ce que toute femme juive devait être pour son enfant. Certes, c’est l’époux, Joseph, qui avait donné selon Matthieu son nom à cet enfant ; il avait pour rôle d’initier Jésus à la lecture de la Torah, de lui apprendre le métier et de le préparer peu à peu à l’existence adulte. Mais Marie l’accompagnait dans cette tâche, donnant à son fils les soins nécessaires, lui faisant découvrir les choses toutes simples de la vie familiale, constatant au fil des mois les progrès de l’enfant qui “grandissait et se fortifiait” (Lc 2,40) ; et dans ce temps de Nazareth, elle devait déjà songer à l’avenir et se demander avec Joseph, comme tous les parents, ce que deviendrait leur fils une