Préf. J. Leroy. Prés, et trad. F. de Montleau. Editions de Bellefontaine, coll. Spiritualité orientale », 2002, 636 p., 29 €.
 
Théodore Stoudite vécut au VIIIe siècle dans l'Empire byzantin, il fut moine cénobite, higoumène et iconodoule. Voilà qui peut sembler pour le moins éloigné, voire exotique ! Mais un spirituel pleinement ancré dans son temps ne peut que nous rejoindre dans nos préoccupations les plus évidentes. Il en est ainsi de Théodore Stoudite tel qu'il se livre dans ses Grandes Catéchèses.
Ces catéchèses étaient données le soir ou après un office, parfois la nuit, aux moines. Elles constituaient pour Théodore une diaconie qu'il assumait avec une grande simplicité, parlant avec tendresse et affection à ses frères. Il mettait son service spirituel sur le même plan que le travail de l'infirmier ou du cuisinier. Théodore proposait de réunir la contemplation et l’œuvre : « Que la lumière de la connaissance de Dieu vous précède en tout mouvement et en toute action. » Pour Théodore les métiers ou diaconies sont la forme concrète de la vie communautaire. La communauté monastique n'est autre qu'une communauté de diaconies, et c'est par celles-ci qu'elle devient corps mystique.
De plus, « chacun peut se sanctifier et réjouir Dieu en sa diaconie ». Elle est le lieu même de l'ascèse de ce combat spirituel contre les « embuscades et pirateries du diable ». Théodore, dans la lignée de saint Paul, compare souvent le spirituel à un coureur, mais aussi à un négociant ou à un soldat. Il désigne des maux bien connus des moines, qui semblent avoir envahi notre société : l'acédie, ce découragement, cette lassitude profonde qui saisit le moine et lui inspire du dégoût à l'égard de son ouvrage, puis de la prière. L'acédie lui fait désirer des fuites, le met hors de sa communauté et de sa cellule pour rechercher le bruit, l'agitation, la distraction, bref elle occulte sa conscience. Notre auteur appelle aussi à briser « la gangue de l'inertie », cette opacité, cette inconsistance du temps qui ensommeillé notre cœur.
Théodore développe une réelle mystique de l'union au Christ en des termes souvent proches de Syméon le Nouveau Théologien ou encore de Serge Boulgakov « Ouvre au Christ la porte de ton cœur, fais-le entrer, tiens-toi près de lui, habite avec lui, soupe avec lui. » On note la progression, inverse de celle que le bon sens aurait décrite. Une imitation qui n'est en rien sentimentale mais de tout corps, cœur et esprit. C'est ainsi qu'elle peut donner un sens libérateur aux souffrances du travail. Mais Théodore prend soin de rappeler la hiérarchie de toute chose : « Est-ce pour les travaux, pour les vignes et pour l'huile que nous avons nos frères ? Pas du tout ! Mais seulement pour le salut de leurs âmes ».
Il y a donc grand profit à fréquenter ces textes vivants, vigoureux. Ces catéchèses, savamment introduites par le P. Julien Leroy, s'offrent à nous comme une excellente lecture spirituelle. Elles sont traversées par un leitmotiv : « Restez éveillés et soyez joyeux. »