Aimer, perdre... et puis aimer encore, aimer autrement : lentes ou brutales, prévisibles ou inattendues, lisibles ou déguisées, exprimables ou indicibles, les pertes qui labourent notre vie nous mettent douloureusement au monde – au point qu'on a pu écrire que « vivre, c'est perdre ». Vivre ! Cette vie-là s'amorce à la nuit tombée.

Des nuits qui disent leur nom

Dans cette étrange période de crise sanitaire, comme dans la vie « ordinaire », il y a des nuits qui disent leur nom. Elles font effraction dans nos vies : la perte d'un être cher, par exemple, ou la perte de l'autonomie, la sienne ou celle d'un proche. Dans ces nuits-là, on sait bien ce qui nous manque, ce qu'il nous faudrait, ou qui… et c'est impossible à retrouver. Longtemps, longuement, nous nous cognons à cet impossible comme s'il était le seul lieu de vie pour nous, jusqu'à ce que la vie fasse signe ailleurs et que de nouveau nous puissions entendre son appel.

Je me souviens de cet homme rencontré à l'hôpital, directeur d'usine, réduit à l'épuisement et à laisser d'autres décider de tous les détails de son quotidien. Qui suis-je quand j'ai perdu tout ce qui semblait former mon identité ? Ma capacité à travailler, à aider, à