Lecture chrétienne de la sourate de l’Ouverture

« Au nom de Dieu, infiniment bon et miséricordieux,
Louanges soient à Dieu, Seigneur de l’Univers,
Infiniment bon et miséricordieux,
Souverain du Jour du Jugement.
C’est toi seul que nous adorons,
Toi seul dont nous implorons l’aide.
Guide-nous sur la Voie droite,
La Voie de ceux à qui tu as accordé tes bienfaits,
Non de ceux qui ont encouru ta colère
Ni de ceux qui sont dans l’égarement. Amîn » 1.

Récitée chaque jour, la sourate Fâtiha « ouvre » le Coran (c’est le sens de la racine fataha). Magnifique, cette prière est aussi fondamentale pour tout musulman : elle rythme les cinq prières rituelles quotidiennes ; elle est présente au début de toute action de quelque importance dans la vie. Comme toutes les sourates (sauf la neuvième), la Fâtiha commence par ces mots : « Au Nom de Dieu, infiniment bon et miséricordieux... » Au lever, au début d’un repas, en commençant le travail, au moment de mourir comme lors d’une naissance, le croyant dit (ou entend prononcer) : « Bismi Allâhi Ar-Rahmâni Ar-Rahîmi... » (« Au nom de Dieu... »). La Fâtiha est bien la grande prière de l’islam. Certains musulmans vont jusqu’à dire que tout le Coran est résumé dans cette sourate.

Un même mouvement vers Dieu ?

Paradoxalement, la Fâtiha est la prière musulmane sans doute la plus proche des prières chrétiennes ; mais elle en est aussi la plus éloignée. En effet, dans un premier temps, le chrétien peut se retrouver avec l’ami musulman dans un même mouvement vers Dieu. Nous pouvons l’un et l’autre commencer toute action « au nom de Dieu, infiniment bon et miséricordieux » ; dire d’un même coeur : « Louanges soient à Dieu, Seigneur de l’Univers », « Souverain du Jour du Jugement », « C’est toi seul que nous adorons », « Toi seul dont nous implorons l’aide »... Et pourquoi ne pourrions-nous pas partager la suite : « Guide-nous sur la Voie droite, la Voie de ceux à qui tu as accordé tes bienfaits, non de ceux qui ont encouru ta colère ni de ceux qui sont dans l’égarement » ? Avouerai-je qu’il m’est arrivé de réciter cette prière avec des amis musulmans ? C’était, il est vrai, dans des circonstances précises, pour les obsèques d’amis communs avec lesquels se vivait un authentique respect mutuel, fondé sur une connaissance claire de nos deux religions, sans ambiguïté ni désir plus ou moins latent de convertir l’autre. Surtout, nous connaissions bien, les uns et les autres, tel ou tel commentaire polémique de cette sourate à l’égard des juifs (« ceux qui ont encouru ta colère ») et des chrétiens (« ceux qui sont dans l’égarement »). Juifs et chrétiens, en effet, sont parfois accusés d’avoir « falsifié » les « Écritures » et « obscurci les attributs de Dieu ». C’est en ce...


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