L’auteur de cet article, jésuite français travaillant en Afrique depuis une quarantaine d’années, a ressenti l’écart entre deux manières de vivre le temps. D’où sa méditation sur cette dimension constitutive de notre existence fluente. Le temps n’est pas une réalité en dehors de nous?: c’est nous qui le créons par notre activité et nos choix. Comment le prendre en le recevant??

« Vous dites que les temps sont mauvais, mais soyez meilleurs vous-mêmes et les temps seront meilleurs. C’est vous qui êtes le temps. »

Saint Augustin

Les manières de se représenter le temps et d’en parler, de le mesurer, de le vivre diffèrent selon les cultures. En Afrique, une certaine manière nonchalante de vivre le temps amène un directeur d’entreprise ivoirien1 à interpeller ses compatriotes?: « Accepterons-nous d’être en retard à vie?? » De l’autre côté, en Europe, beaucoup prennent conscience de la nécessité d’arrêter la course fébrile derrière le temps qui manque toujours, de sortir du stress et du burn-out. Des deux côtés, tous sont en quête de meilleures techniques de « gestion du temps ». La méditation ici proposée, partant d’un survol culturel, veut aboutir au-delà de techniques de gestion du temps, aussi utiles soient-elles, à une sagesse du Christ qui peut nous apprendre à savoir prendre le temps en le recevant.

D’abord, qu’est-ce que le temps?? En français, nous en parlons comme d’une chose qu’on a, qu’on gagne et qu’on perd, qu’on économise et qu’on gaspille… Mais le temps n’est pas une chose. Sinon, où donc serait-il stocké?? Le « temps » est une construction de notre esprit. Cela nous est confirmé par le fait que cette notion s’exprime de façon différente dans d’autres langues que le français. Ainsi, en langue sar, au sud-est du Tchad, le terme lòò, prononcé en ton bas, signifie à la fois « moment », « lieu » et « manière ». C’est donc la circonstance d’une action effectivement toujours située à la fois en