Dieu n'était pas dans l'ouragan mais dans « le bruit de fin silence ». Alors Élie se voila la face. Difficile d'entendre ce bruissement discret qui signale la visite du Seigneur au milieu des bruits du monde ! Les grands spirituels, pourtant, nous en avertissent : « Dieu nous a tout dit en son Fils, et désormais c'est dans le silence du cœur qu'il se fait entendre. » Beaucoup vont au désert pour mieux le percevoir. Mais le désert, souvent, manifeste d'abord le tumulte des passions que nous emportons avec nous : un cœur divisé, lieu du combat. Il faut aller au-delà encore, jusqu'au silence d'un cœur réconcilié, unifié par le seul désir de Dieu : « "Tais-toi ! ", dit Jésus à la tempête. Et il se fit un grand calme. »
Alors la Parole se fait entendre avec force, comme durant la Passion où Jésus se tait, lui aussi, pour que la puissance et la sagesse de Dieu se révèlent, si contraire aux prétentions du monde. Jésus se tait sous les injures et le mépris pour que le Centurion romain soit convaincu par son silence et le bon larron par sa douceur. L'Eglise, elle aussi, se tait : pas de déclarations fracassantes ni de condamnations, pas de mobilisations ni de campagnes publicitaires : son épreuve l'invite plutôt au silence du recueillement, à ce retour à l'Horeb d'où jaillit tout renouveau. L'Eglise se souvient et médite. Elle respire, elle espère, elle se relève...
Le silence est une question de sensibilité, d'affinement : il peut être vécu comme un vide insupportable, ou comme une attention vigilante, celle de la pause entre deux mouvements d'une symphonie : silence qui suit le dernier accord et qui précède la reprise, dans l'attente de la première vibration de l'archet. Comme l'exprime si bien dom André Louf, dans le numéro d'avril 2002 de Panorama : « Le désert spirituel est cet entre-deux où il nous faut tenir entre souvenir et désir. » C'est là, dans ces pauses attentives, que s'éduquent les sens intérieurs : écouter, sentir, goûter les choses du dedans.
Au début du concert, les musiciens font silence pour prendre le « la » et trouver la note juste. Et ils ont besoin, après chaque mouvement, de réajuster leur instrument. Ainsi de nos vies : silence au coeur du bruit, non pour y rester, mais pour nous accorder à l'Esprit Saint, et reprendre ensemble le cours de la partition. Alors les bruits du monde sont perçus sur fond de fin silence : certains le troublent, et on les tient sur le pas de la porte ; d'autres entrent avec douceur, et l'on s'ouvre sans crainte à la rumeur de Dieu.