« De même que des multitudes avaient été saisies d'épouvante à sa vue,
car il n'avait plus figure humaine,
et son apparence n'était plus celle d'un homme… » (Is 52,14).

Le peuple d'Israël, en exil à Babylone, se reconnaît à travers les mots du Second Isaïe. Ces mots brûlent le cœur des plus fidèles, ceux qui continuent de croire en l'alliance, malgré les heures sombres de leur histoire. Six siècles plus tard, ce même texte prend une densité nouvelle à mesure que Jésus avance vers la certitude de sa Passion. Les auteurs du Nouveau Testament, aussi bien les évangélistes que Paul, soulignent, par des références fréquentes à Isaïe (en le citant ou en s'inspirant de sa pensée), l'identification qui s'est faite entre Jésus et le Serviteur souffrant. Cette identification n'est pas obéissance à un modèle, mais rencontre, au plus profond, d'une expérience de vie, celle de Jésus, et d'une tradition, celle d'Israël, dont Jésus est nourri. Par lui, le Serviteur souffrant accède à une autre dimension ; sa passion en devient l'exégèse.

Jésus a vécu la laideur déshumanisante

Le texte d'Isaïe insiste sur l'aspect défiguré du Serviteur, défiguré jusqu'à la déshumanisation. Quelle force de répulsion émane donc d'un tel être pour que des multitudes s'épouvantent à la vue d'un seul ? Quel abîme effrayant leur ouvre donc sa laideur ?

Il est plus difficile d'évoquer la Passion de Jésus en