La première raison du succès des JMJ est qu'elles permettent à des jeunes de s'afficher catholique dans un contexte où cela devient, année après année, de plus en plus difficile. Même si l'Eglise se maintient encore quelque peu  en Pologne ou en Italie, dans les autres pays traditionnellement catholiques, (France, Espagne, Belgique, une partie de l'Allemagne et de la Hollande, etc) il est difficile, voire quelque peu honteux, de se dire catholique. La majorité des jeunes est sans 'religion' tandis que jeunes juifs et musulmans affichent, eux, leur foi sans complexe. Les JMJ croissent en ce sens à la mesure de l'essoufflement sociologique majeur que vit le catholicisme européen, qui, tel un boxeur sonné de coups, vit son quotidien sous le signe de scandales honteux à répétition, de réduction drastique du nombre de prêtres, d'une ringardisation médiatique croissante de sa foi et d'un appauvrissement croissant de sa culture catéchétique. Les observateurs s'étonnent que le succès soit là, quel que soit le pape. Mais justement, c'est cela le pape! Ce qui compte, c'est que ce soit le pape, et non ce pape. N'importe quel pape en un sens. Il est le symbole de l'unité catholique. De l'unicité de son ancrage historique, de sa profondeur théologique, de son sérieux en un mot. Les jeunes catholiques rejoignent un lieu où ils peuvent se dire catholique sans complexes, où ils touchent du doigt le caractère international et uni de leur foi. En ce sens, les JMJ sont une sorte d'immense Catho-pride à l'échelle mondiale. Pour des jeunes qui viennent de pays catholiques où ils sont très minotaires historiquement (Norvège, Indonésie, Japon, Erythrée, etc...), cet aspect international est ce qui les touche le plus. L'événement a un caractère mais en même temps, il est frappant de voir combien de jeunes y entrent dans une expérience personnelle de la foi, combien y mûrissent la décision de consacrer leur vie au Christ (décision qui jusque-là paraissait complètement folle) ou de s'engager plus avant dans la foi. Les JMJ disent le présent de l'Eglise en quelque sorte a contrario.
Mais la deuxième raison de regarder de près les JMJ est qu'elles annoncent le visage de l'Eglise catholique de demain. Elles dessinent ce que nous serons dans 20 ans, pour le moins dans les pays européens dits "développés". De petites communautés ferventes, appuyées sur des familles généreuses, des vocations sensibles à la radicalité évangélique, petites succursales d'une Eglise catholique qui sera, nous le savons déjà, massivement africaine, asiatique et sud-américaine. L'Eglise d'un monde globalisé où la fonction pétrinienne sera plus que jamais fondamentale, offrant un signe visible d'une unité catholique multiculturelle et bariolée. Une Eglise croyant aux sacrements et même aux sacramentaux trop négligés; une Eglise de la visibilité et de l'image assumée (au rebours d'une certaine austérité réformée- elle-même en crise profonde.
Par certains côtés, les JMJ anticipent le retour à un nouvel âge baroque pour l'Eglise. C'est une Eglise qui croit profondément à l'idéal d'unité qu'elle propose pour l'humanité et qui est unique : une véritable communion de foi et de rites entre personnes de différentes cultures et nationalités, une Eglise dégagée du lien étroit à une région géographique, à une culture ou à une langue donnée. Une unité véritable et visible d'une réalité joyeusement multiple. Cela, les centaines de drapeaux nationaux brandis lors des JMJ le disent éloquemment. Tous différents, tous catholiques, tous frères. Fiers de leur culture particulière, mais ouverts au dialogue.
Fiers de leur foi et de son ampleur historique, géographique et théologique, mais dans le respect de celle des autres. Confrontés déjà au double défi des années à venir : bientôt deux milliards de musulmans centrés sur le Coran et l'arabe comme langue sacrée; bientôt un milliard de chrétiens dans les églises évangéliques libres, centrés sur une foi émotionnelle et peu réfléchie, dispersée en 35 000 églises indépendantes.
Ainsi le rendez-vous régulier autour du successeur de Pierre, pivot séculaire de l'identité catholique, peut permettre aux catholiques de visualiser ce à quoi ils aspirent : une communion profonde dans la diversité et de rénover ce qui est le meilleur de leur patrimoine rituel (l'Eucharistie, la confession) et théologique (les catéchèses, l'intelligence de la foi). Gageons que les JMJ ont de beaux jours devant elles et qu'elles appelleront de plus en plus des déclinaisons locales de leur intuition centrale.


Marc Rastoin, sj