Cerf, 2003, 202 p., 68 €.

Dans l'immense bibliographie sur l'iconographie russe, s'il fallait retenir quelques titres, sans aucun doute le célèbre « Ouspensky-Lossky » tiendrait une des toutes premières places. Les éditions du Cerf nous proposent (enfin) une traduction en français de cet ouvrage majeur par sa rigueur, sa précision et une certaine densité d'écriture dont les deux essais d'ouverture, celui de Lossky sur l'idée de tradition (un texte à la hauteur de son Essai sur la théologie mystique) comme celui d'Ouspensky (qui synthétise les lignes de force de son enseignement d'iconographe), donnent la note.
Ensuite s'ouvre devant nous la foisonnante théologie visuelle : une succession de feuillets répertoriant avec sobriété chaque type d'icône, contenant en quelques lignes toute l'intelligence de l'Incarnation qu'elles figurent et ouvrant au lecteur des portes dans ces espaces de Lumière afin de le convertir au regard. Les feuillets sont signés tantôt du théologien, tantôt de l'iconographe, subtile variation dont on perçoit toute la richesse lorsqu'ils traitent de sujets apparentés. Mais l'unité de fond prédomine et confère à l'ensemble une simplicité dont l'unique but est de laisser parler les Images.
« Le christianisme est une révélation non seulement du Verbe de Dieu, mais aussi de l'Image de Dieu, dans laquelle se manifeste sa ressemblance », aimait à dire Léonide Ouspensky. Le choix des icônes a été limité par les circonstances : l'ouvrage ayant été élaboré dans les années 50, les auteurs n'ont pu utiliser que les fonds de musées occidentaux et de collections privées Ainsi, les icônes rassemblées ici sont le reflet de la diaspora russe qui a traversé le XXe siècle, posant les germes de retrouvailles entre Orient et Occident chrétiens : c'est toute la catholicité de l'icône dont témoigne cet ouvrage si russe par ses racines et si occidental par son destin.
La qualité des reproductions pourrait faire croire que ce Sens des icônes est un « beau livre », au sens où on l'entend de ces livres « à offrir » plus qu'à lire... Il s'agit en fait d'un bel ouvrage, né du patient travail de deux artisans de la théologie (artisan des mots et artisan des images) au service de l'Image de Dieu. Alors, lisons-le comme tel.