Rompre un engagement de vie peut-il être entendu, en régime chrétien, sous le seul angle de l’échec personnel ou de la culpa­bilité collective ? Quand il s’agit de promesses faites à Dieu (c’est la définition du voeu et, par excellence, du voeu de religion), faut-il comprendre, avec la discipline ancienne, qu’on n’est jamais ac­quitté de ce defectus et que l’Église ne peut en rien pourvoir à de telles fractures ? Mais quand la résurrection du Seigneur gagne le monde, c’est pour y inscrire la vie où la miséricorde l’emporte, permettant à tous d’entrer dans l’alliance nouvelle (He 12,1). Ainsi, c’est toujours au prix du corps livré et du sang versé qu’il nous est donné de rentrer en grâce.
 

Sur nos ruptures


Pour méditer sur ces délicates questions, il faut sans doute revenir d’abord aux relations vécues par l’entourage du Christ lui-même, en particulier durant l’épreuve de sa passion ; un éclatement s’y opère, qui disperse tous les protagonistes et ne laisse auprès du Crucifié qu’un petit groupe fidèle, prémices de nos compassions ultérieures.
 
Dans la passion de Jésus

Il y a, dans les causes immédiates de la passion et de la mort de Jésus, un enchaînement de désespoirs secrets, de trahisons impli­cites, de découragement général, d’abandons répétés, qu’il n’est pas rare de trouver dans la généalogie de ces crises qui conduisent inexorablement à la rupture d’engagements pourtant scellés pour la vie. Ayant reconnu dans la prélibation de Béthanie l’onction de son corps en sépulture, le Christ se livre aux siens, le jeudi saint, alors que Judas va le vendre, non sans recevoir de lui la bouchée. Messie caché pour Caïphe, Roi du silence devant Pilate, le Fils de l’homme, élevé dans un abaissement extrême, incline la tête et livre le souffle du premier jour. Il