Labor et Fides, coll. « Protestantisme », 2003, 160 p., 11 €.

Beaucoup de catholiques à gros grain seraient surpris d'apprendre que les rapports du protestantisme et de la mystique ne sont pas aussi simples qu'ils l'imaginent : le protestantisme n'est-il pas une « religion » plus « spirituelle » que le catholicisme, moins encombrée de rites et de dévotions ? La Réforme n'a-t-elle pas été la patrie des revivals, le terreau de tant de sectes plus ou moins illuministes ? La lecture de ce volume serait l'occasion de les détromper. Les autres découvriront, lumineusement exposée, la complexité d'un dossier qui n'a rien à envier au contentieux interne à l'Église romaine.
L'auteur montre bien comment l'ambivalence de la Reforme à l'égard de la mystique était en germe dans l'expérience spirituelle de Luther et dans son évolution personnelle on voit comment l'éditeur de la Théologie germanique, traité mystique anonyme du XIVe siècle, en est venu plus tard à condamner les dérives spiritualistes et « enthousiastes ». Au XXe siècle, des motifs proprement théologiques inspirèrent à Barth et à Brunner une véhémente condamnation de la mystique, phénomène « païen », représenté à leurs yeux par Schleiermacher.
Le protestantisme contemporain ne s'est pas remis de ces foudres, malgré Tillich. C'est à le réconcilier avec le meilleur de sa tradition que travaille intelligemment ce bref ouvrage. Un examen des figures de Böhme, Tersteegen et Albert Schweitzer prépare à retrouver les grands principes protestants dans la voie de la docilité a l'Esprit.