Cerf, 2005, 240 p., 22 euros.

Personnage complexe que le P. Dehon. Jeune vicaire à Saint-Quentin, il découvre le fossé qui sépare le peuple de l’Église. Cela l’amènera à devenir un des protagonistes de l’apostolat social dans la dernière décennie du XIXe siècle, tout en créant et dirigeant un important collège catholique. Mais il est surtout le fondateur des prêtres du Sacré-Coeur. Un premier essai, fortement marqué par une spiritualité de réparation victimale, fut stoppé par le Saint-Office « en tant que fondé à partir de prétendues révélations qu’on ne peut admettre » ; cela visait deux religieuses auxquelles Dehon resta attaché jusqu’au bout, sans comprendre l’attitude romaine. Chose remarquable, il reprit son ouvrage sur des bases plus saines et obtint, non sans peine, la confirmation de Rome.
Le P. Ledure situe avec tact et compétence l’histoire de cette fondation dans le contexte des années 1870-80, où l’expansion de la dévotion au Sacré-Coeur souffrit quelques dérives et où l’installation de la IIIe République heurtait une Église française majoritairement hostile à l’héritage de 1789. On doit cependant marquer notre étonnement devant le silence que fait l’auteur autour de l’antisémitisme, parfois violent, du P. Dehon, en cela dominé par les passions de son temps. Il y a là une tache qu’il ne faut pas exagérer mais qu’on ne peut ignorer pour évaluer la vie de ce prêtre zélé, inventif, dévoué au Christ et à l’Église.
Ses jugements ont connu des défaillances, et il eut du mal à réaliser son unité intérieure « entre mystique et apostolat social ».