Journaliste dans un quotidien régional du Nord pendant vingt ans, j’ai vécu avec bonheur de nombreuses rencontres qui m’ont façonné. Pourquoi y revenir ici ? Parce que, sans lyrisme ni voeu pieux, se coltiner quotidiennement à l’actualité fut pour moi une expérience spirituelle. Sans doute est-ce vrai pour toute profession : comment pourrions-nous imaginer que la vie intérieure fasse l’éco­nomie de ces relations sociales qui occupent autant de temps de la vie active ? « Bavarder du temps, des événements, de la télé, des opinions politiques ou de Dieu, c’est du même tabac », disait Jean Sulivan. Travailler les questions d’actualité est un poste d’observa­tion de la société que j’ai perçu comme une responsabilité et une chance qui laissent résonner, par bien des aspects, des éléments de la vie intérieure. Et puis, rien de ce qui fait le quotidien de l’homme ne peut être indifférent à la vie spirituelle : l’actualité, si facilement dénoncée, est cette pâte humaine dans laquelle l’homme croyant est appelé à vivre. « L’événement sera notre maître intérieur », soulignait Emmanuel Mounier.
 

Un rêve de gosse


« Les journalistes, qui sont gens susceptibles, lui en savent gré. Il n’a pas son pareil pour les rassurer, flatter leur ego, les consoler », écrit Jean-Paul Kauffmann à propos d’un rédacteur en chef apprécié 1.
Sans doute le journaliste est-il cet « animal curieux », solitaire, fragile et exposé, redouté et courtisé, parfois puissant et justicier, souvent engagé et convaincu, attentif et conciliant, mais aussi maladroit ou malveillant… Humain, en somme. Être un peu tout à la fois, c’est le fruit des propres contradictions du journaliste mais aussi des préjugés qui pèsent sur une profession décriée. Comme si l’on pouvait parler des « journalistes » sans distinguer le média pour lequel il travaille, le lectorat auquel il s’adresse,