Marie Skobtsov – la Mère Marie de la rue de Lourmel – a été canonisée en 2004 sous le beau et si juste nom de Sainte Marie de Paris. Cette femme eut un destin exceptionnel, à la hauteur de son appétit de vie. Issue d’une famille aristocratique russe, elle est d’abord poète, fréquentant Alexandre Blok ou André Biély, puis elle se fait révolutionnaire, menacée de mort pendant la Révolution russe autant par les « Blancs » que par les « Rouges », elle s’exile. C’est la Turquie, la Serbie, et enfin Paris. Mère de trois enfants, elle se sépare de son mari et, à l’âge de 41 ans, devient moniale en 1932. Elle place toute sa vie sous le signe du « sacrement des frères », le service des plus pauvres, ceux de l’émigration russe qu’elle recueille dans un foyer rue de Lourmel, puis, en pleine guerre mondiale, les Juifs. Arrêtée, déportée en Allemagne, elle meurt dans une chambre à gaz au camp de concentration de Ravensbrück un Samedi saint, le 31 mars 1945.
Cette femme a tout vécu, mais aussi tout écrit : poèmes, articles de théologie ou de société, récits, pièces de théâtre. Ce livre rassemble certains de ces écrits, pour la plupart inédits en français. Il permet de mieux découvrir cette haute figure à travers les témoins de sa vie (amis de l’émigration, compagnes de déportation) comme à travers le regard qu’elle portait sur ses frères (splendides pages sur Marseille ou « l’évangile social » qu’elle voulait incarner). On ne peut manquer de penser à Simone Weil ou à Edith Stein en lisant ces pages. Comme elles, Mère Marie fut un être incandescent, une torche pour ces temps de ténèbres, et cette lumière ne faiblit pas.
Franck Damour