La position philosophique de base d'Unamuno est vitaliste, mais, contrairement à un Blondel, voire à un Teilhard de Chardin, puis aux différents personnalistes qui ont tenté une synthèse entre vitalisme et rationalisme aristotélicien, Unamuno intègre par exemple la position d'un Bergson comme du spiritualisme à l'état pur, et donc, si j'ose dire, comme un parfait « irrationalisme ». Il répète à qui veut bien l'entendre le credo quia absurdum de Tertullien, il revendique le pari pascalien, il se prépare toujours au saut kierkegaardien. Unamuno ne nie aucunement les fondements de la foi : il nie simplement le bien-fondé des preuves rationnelles ou rationalistes que l'on adosse à la foi. Voilà pourquoi il fait une confiance aveugle en l'expérience des mystiques espagnols et cite les philosophes allemands et français uniquement pour s'en moquer, suspects qu'ils sont à ses yeux de ne pas incarner leur pensée.
UNE EXISTENCE MOUVEMENTÉE
Miguel de Unamuno est né en 1864 à Bilbao dans une famille catholique basque. Son père est commerçant et mourra lorsque Miguel a six ans. En 1874, Bilbao est bombardée par les troupes carlistes favorables à la monarchie absolue contre la monarchie libérale alors au pouvoir. Le bombardement est l'événement majeur de son enfance. Première prise de conscience politique, mais aussi découverte de son grand remède à l'angoisse existentielle : pendant les bombardements, dans la cave, il devient expert dans la confection des cocottes en papier. Il deviendra célèbre en la matière, organisant des concours, décernant des prix, et écrivant même à Paris où il mourait littéralement d'ennui, en 1925, un traité sur la cocottologie 2.
En 1880, il commence ses études supérieures de lettres et de philosophie à Madrid. Aucun maître n'est resté dans sa mémoire. À l’époque, on enseignait essentiellement une forme de néo-thomisme, un peu Kant, et pas du tout Hegel. Dès l'année suivante, il cesse toute pratique religieuse après avoir obtenu un doctorat en philologie, comme Nietzsche. Il revient à Bilbao où il enseigne le latin, la psychologie, la morale (j'en passe et des meilleures), tout en s'inscrivant au parti socialiste. Durant ces années-là, il découvre saint Augustin, mais surtout Pascal...
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