L'excellente biographie de Dom André Louf qui nous est ici présentée nous permet de pénétrer, avec respect, dans le déroulement d'un itinéraire spirituel particulièrement riche d'enseignements. André Louf était né dans une famille belge flamande profondément chrétienne. À la fois doué pour l'action et d'une intelligence ouverte et créatrice, il s'engagea très tôt à plein dans la vie chrétienne. Dès son adolescence, il éprouve à la fois un grand attrait pour la vie de prière et tout autant pour l'action apostolique : double attirance qui l'habitera jusqu'au bout. Avec fougue, il opte pour la vie monastique et entre à 17 ans au monastère du Mont des Cats. Ses années de formation furent des années d'épreuves : d'une part, à cause de la tension entre appel à la vie contemplative et appel à l'action directe ; d'autre part, parce qu'il ne se pliait pas facilement aux manières de faire du lieu où il était entré. S'ensuivirent des années difficiles où il exerça des activités diverses et où il connut de vraies périodes de déprime, tiraillé entre la vie contemplative et l'appel à l'apostolat direct. Il batailla ferme, soutenu, il faut le dire, par son abbé. Ces années de combat et de fidélité le firent mûrir et mirent en lumière la richesse de sa personnalité. Son élection comme abbé en janvier 1963 (à 34 ans) ne surprit que lui.

S'ensuivirent trente-quatre années d'activité féconde et de progrès spirituel. C'était la période post-conciliaire, l'aggiornamento des communautés monastiques. Dom Louf y joua un rôle important, dans son abbaye, dans son Ordre dont il devint une des figures les plus en vue, dans la vie de l'Église comme écrivain, comme accompagnateur spirituel des personnes et des communautés, comme artisan du dialogue œcuménique (il fut un des premiers à entrer en relation fraternelle avec le monachisme orthodoxe) et de la remise en honneur des premiers écrivains monastiques de langue grecque. Il s'en fallut de peu qu'il ne soit élu abbé général de l'Ordre cistercien.

À travers toutes ces activités menées tambour battant, continue de se faire sentir la tension entre vie de prière et action directe. La Chartreuse exerce sur lui un attrait qui l'habitera jusqu'à la fin de sa vie, même après qu'il a compris qu'il fallait y renoncer (pendant ses années à Simiane, il fera régulièrement de longs séjours en Chartreuse). Ce fut un vrai combat, sur lequel nous sommes bien renseignés, car il a tenu tout au long des années un journal spirituel dont Charles Wright s'est judicieusement servi, avec le tact voulu. Peu à peu, au prix d'une fidélité méritoire à sa vie monastique, il apprit à ne pas chercher à conquérir « à la force du poignet » une impossible perfection morale mais à se livrer à la grâce de Dieu, à accepter les échecs, à les aimer, à aimer jusqu'à ses péchés car ils sont le lieu de la miséricorde de Dieu.

Ainsi réconcilié avec lui-même, il était prêt à renoncer aux charges qui lui avaient été confiées et, retiré à Simiane, à terminer sa vie terrestre en s'abandonnant à l'amour du Seigneur.

Entre 1982 et 1998, Dom Louf a commenté deux fois les évangiles dominicaux des trois années A, B et C. Le volume S'abandonner à l'amour, publié par Charles Wright en même temps que la biographie contient les homélies sur l'année A (saint Matthieu) prêchées à Simiane, pendant les dix années qu'il y a passées. On devine avec quelle ferveur les auditeurs de cette petite communauté ont écouté celui qui leur ouvrait ainsi son âme. Lecteurs, nous pouvons en faire notre profit, mieux placés que ces premiers auditeurs, car nous connaissons l'itinéraire spirituel dont ces homélies sont le fruit et le commentaire. Abondent les formules qui témoignent de la simplification, de l'unification intérieure de l'auteur. « Dieu n'a que faire de notre générosité, il attend notre joie, celle qu'il a mise lui-même dans notre cœur. »