Après sa convalescence et sa toute récente expérience de conversion à Loyola, Ignace se met en route comme un pèlerin. Sur son chemin, il rencontre un Maure, et les deux débattent de la virginité de Marie, mère du Christ. Ignace s’indigne de l’obstination de son interlocuteur, mais il ne parvient pas à se décider : faut-il sauvegarder l’honneur de la foi et tuer cet infidèle ? Ignace ressent de fortes motions intérieures sans pourtant parvenir à faire le tri. Il fait l’expérience de l’importance du discernement spirituel, mais ne sait pas encore bien comment s’y prendre. Il abandonne alors la décision à sa mule. Si celle-ci suit le même chemin que le Maure, ce sera un signe : il poignardera l’infidèle. Heureusement, les chemins se séparent et le Maure survit à cette rencontre.
 Dieu dans notre réalité corporelle
Ce processus de discernement a de quoi nous paraître étrange : comment une décision de vie ou de mort peut-elle se prendre de façon si naïve ? Peut-être Ignace s’en est-il souvenu en écrivant dans les Exercices spirituels, plus précisément dans la contemplation finale « pour parvenir à l’amour » :

Considérer comment Dieu travaille et œuvre pour moi dans toutes les choses créées sur la face de la terre, c’est-à-dire qu’il se comporte à la manière de quelqu’un qui travaille, par exemple, dans les cieux, les éléments, les plantes, les fruits, les troupeaux, etc., leur donnant d’être, les conservant, les dotant de la vie et de la sensation, etc. (Ex. sp. 236).

Le Seigneur ne serait-il pas à l’œuvre dans cette mule, et cela pour le plus grand bien d’Ignace et du Maure ? On découvre chez Ignace une confiance profonde dans les êtres créés en qui Dieu travaille pour nous, et l’importance pour lui de percevoir, de connaître et de discerner ce travail de Dieu dans la création. Car il s’agit d’apprendre par lui-même à travailler dans le monde, à la suite du Dieu révélé dans la vie, dans la mort et dans la résurrection de Jésus de Nazareth, le