Le premier ouvrage est le fruit d’un travail collectif soutenu par la conférence des religieux et religieuses en France (CORREF). Il a été élaboré par différents groupes de religieux et religieuses, qu’ils soient théologiens et théologiennes ou responsables et formateurs ou formatrices, qui communiquèrent entre eux selon une méthode de « recherche-formation » présentée ainsi : « Il s’agissait de se former collectivement non pas avec des exposés d’intervenants experts mais à travers un processus collectif de recherche sur les transformations de la société européenne et d’appréhender comment celles-ci faisaient bouger la vie religieuse, induisant de nouvelles pratiques et de nouveaux besoins de formation. » L’objectif est de « mettre en lumière quelques-uns des principaux changements que vit notre société et que la vie religieuse doit prendre en compte et qu’elle prend déjà en partie en compte ».
Le fil directeur de l’ensemble, qui veut indiquer un chemin de bonheur possible et humain, est peut-être cette tension inhérente à toute vie chrétienne et signifiée particulièrement par la vie religieuse, tension entrel’« inculturation », amour du monde comme Dieu l’aime, et la contestation de ce monde en ses excès… Seront ainsi évoqués les thèmes de « l’expérience » dans la vie religieuse, la vie religieuse comme une « identité en construction », vie religieuse et rapport au « temps », « culture de la communication et pédagogie de la parole », « habiter les mondes ». À travers cette recherche, « il s’agit de rendre compte de l’espérance qui est en nous (1 P 3,15) dans une société qui n’est plus directement en phase avec la culture chrétienne ». Il s’agit aussi, comme formateurs et formatrices, d’apprendre à « transmettre » un art de vivre ensemble en communauté et de se comporter au milieu du monde. Un « art de vivre » évangélique et traditionnel mais toujours à réinventer dans la nouveauté de l’Esprit qui oeuvre aujourd’hui comme hier.
Tout chrétien, finalement, peut faire son profit de cette lecture et méditer pour lui-même cette réflexion : « Ces hommes et ces femmes ne sont pas différents de leurs contemporains et de leurs compatriotes. Ils partagent les mêmes références, les mêmes inquiétudes, les mêmes soucis. Ils sont traversés par les mêmes mutations de la société. Ils sont un microcosme du monde tel qu’il est, et chercher à comprendre ce monde à travers eux livre une analyse qui touche tout humain européen. Ils sont semblables et pourtant pas totalement, il y a comme un écart qui donne une vitalité particulière, qui ouvre des espaces pour vivre de manière particulière, ni meilleure ni pire, radicalement différente. »
Le livre du frère dominicain Jean-Claude Lavigne, dans lequel nous retrouvons les thèmes et insistances que nous lui connaissons (cf. Pour qu’ils aient la vie en abondance, Cerf, 2010), s’adresse, de façon plus ciblée, à tous ceux et celles qui se posent pour eux-mêmes la question de la vie religieuse, mais aussi aux accompagnateurs spirituels et formateurs ou formatrices chargés de les accompagner dans leur discernement ou leur formation. Il peut aussi être une lecture spirituelle savoureuse pour tout religieux, toute religieuse, qui pourra sentir comment y résonne sa propre histoire, et en rendre grâces…
Après avoir présenté l’appel à la vie religieuse comme un appel au bonheur, « un signal proposé à ceux et celles qui ne savent pas encore s’ils sont prêts à dire : “Voici, je viens” (Is 6,8) », l’auteur déploie l’itinéraire possible et probable de celui ou celle qui se sent concerné(e). Avec délicatesse et empathie, mais aussi en donnant des repères humains et spirituels sûrs pour un discernement, celui ou celle qui se sent appelé(e) par Dieu à cette façon de vivre en humanité peut reconnaître en lui (en elle) et en son expérience personnelle les étapes de son chemin :
  1. En ouverture et pour commencer, que se passe-t-il ? Comment Dieu me parlet- il ? Un texte qui revient sans cesse ? Une parole entendue ? Une rencontre en un lieu avec une communauté ?
  2. Puis viennent les obscurités : les questions, le constat de mes impuissances, les inquiétudes, mais aussi le regard des autres, le « décalage » et le regard sur tous les détachements qu’il me faudra faire… Temps du combat spirituel.
  3. Enfin, les lumières, le temps du oui (à Jésus, à l’Église, à des frères et des soeurs), le temps de l’audace, la découverte de la miséricorde, la paix intérieure, l’écart fertile par rapport au monde qui m’entoure…
En chacune des étapes, l’auteur propose à l’accompagnateur spirituel au formateur ou à la formatrice des repères, des conseils judicieux et spirituels pour aider avec détachement celui ou celle qu’il ou elle accompagne à voir plus clair en sa vie et ses motivations et à grandir en humanité et vérité devant Dieu et devant les autres.
 
Marie-Amélie Le Bourgeois