Comment survivre et choisir de vivre après le suicide de son enfant ? Comment reconstruire une vie de mère et de père, une relation de couple et de parents pour leurs autres enfants ? Car la mort non seulement défait les liens de la vie et de sa transmission, mais, par un lancinant « pourquoi » sans réponse, elle ruine toute raison de vivre ensemble. L’écriture, confient les auteurs, fut pour eux un des moyens de distancier, de s’exprimer leur souffrance l’un à l’autre et, par là, de sauver leur vie.

Mais rien de théorique dans ce livre étonnant, à deux voix, où chacun à son tour livre avec pudeur son évolution intérieure durant les deux années qui ont suivi le suicide de leur fille aînée à l’âge de quinze ans. Leur douloureuse « traversée de l’en-bas » est relue comme une expérience profondément spirituelle, tant la mort et la vie s’y affrontent dans les moindres replis de l’existence, mais toujours à fleur de peau, de cœur et d’humeur. Si la mort n’en finit pas de pousser sans prévenir ses « lames de fond » et de désolation, fragilisant des points d’appui tout juste renés, c’est dans la solidarité et l’amour de leur entourage, de leurs enfants, et jusque dans l’incroyable énergie de leur fille disparue, que ses parents reçoivent gratuitement la force d’aimer et de reconstruire. « Ce va-et-vient entre intériorité et altérité est source d’équilibre vital pour continuer à avancer. »
De « L’immense vague du tsunami » à « Accompagner ceux qui vivent un deuil », neuf chapitres conduisent pas à pas du drame jusqu’au consentement où peut renaître une vie nouvelle et autrement féconde. L’humour, la joie, la reconnaissance des bons moments ne sont pas absents de cette écriture si sensible – comme avec l’arrivée d’un petit chien dans la famille –, tant il est vrai qu’il n’y a d’expériences vraiment spirituelles que celles qui touchent le plus charnel de nos existences.

R.d.M