Dès ses premiers siècles, à travers la sagesse des Pères notamment, l'Église envisage la vie chrétienne comme un itinéraire vers Dieu. Ainsi, très tôt, se révèle le lien profond et spirituel entre déplacement géographique et mouvement de l'âme. La condition du disciple du Christ est de « quitter son pays ».

L'appel que Yhwh avait adressé à Abram a été entendu par nombre de chrétiens qui, dans les premiers siècles, durent souvent quitter leur terre d'origine. Ils y furent d'abord conduits par l'exigence d'annoncer l'Évangile en d'autres lieux : ainsi Justin, natif de Palestine, ouvrit-il au IIsiècle une école de philosophie à Rome ; un peu plus tard, Irénée, originaire d'Asie mineure, se rendit en Gaule où il devint évêque de Lyon ; et, dans les siècles suivants, d'autres chrétiens gagnèrent de nouvelles régions telles que l'Arménie, la Perse, voire l'Extrême-Orient dans le courant du VIsiècle. Parfois aussi, ce furent des persécutions qui contraignirent des chrétiens à quitter leur terre : c'est ainsi qu'Ignace d'Antioche, au début du IIsiècle, fut emmené à Rome pour y subir le martyre ; ou encore, au IVsiècle, Éphrem de Nisibe dut fuir le pouvoir perse et se réfugia avec d'autres chrétiens dans la ville d'Édesse. Il y eut en outre des départs occasionnés par des troubles internes à l'Église : on peut rappeler le cas d'Origène qui, peu après 230, à la suite des accusations formulées par son évêque Démétrios, dut quitter sa ville natale d'Alexandrie pour s'installer en Palestine ; surtout, lorsque au IVsiècle, l'Église se trouva déchirée par la crise arienne1, certains évêques connurent des périodes d'exil – tels Athanase qui, d'Égypte, fut envoyé à Trèves, ou Hilaire de Poitiers qui fut chassé de Gaule et se réfugia en Orient.

À travers la diversité même de ces situations se révèle une caractéristique fondamentale de l'existence chrétienne. Si les disciples du Christ sont bien présents dans telle ou telle cité, celle-ci ne s'identifie pourtant pas à leur véritable patrie. C'est ce qu'exprimait si bien, vers la fin du IIsiècle ou le début du IIIe, l'auteur de l'écrit À Diog...


La lecture de cet article est réservée aux abonnés.