Le scandale de la pédophilie a éclaté dans l'Église comme une apocalypse, au sens qu'a pris ce terme pour désigner les pires catastrophes et en son sens premier de dévoilement, de révélation. Dévoilement non seulement de cas d'abus sexuels qu'il s'agit, gestion de crise oblige, de dénoncer, de punir et à l'avenir de prévenir par un dispositif juridique et canonique adapté, mais aussi révélation des perversions d'un système de pouvoir clérical qui dissimule sa violence sous la chape dorée du sacré et cherche à en atténuer les effets à coups de pieux antalgiques. Autant dire qu'un tel système n'a d'avenir que dans sa destruction au prix d'une radicale conversion évangélique, d'une refondation institutionnelle et d'un réinvestissement théologique.

Le frère MichaelDavide Semerano, moine bénédictin italien et spécialiste de théologie spirituelle, n'hésite pas à en appeler à un travail de désacralisation et de « désacerdotalisation » qui permette de rendre les prêtres à la vulnérabilité de leur condition d'hommes sexués et à leur humble dignité de baptisés. Quand bien même le discrédit qui s'est abattu sur le clergé les inciterait à défendre leur spécificité et à radicaliser en quelque sorte le sacrement de l'ordre, l'auteur considère comme la première des urgences de « refonder le ministère ordonné sur la racine commune du baptême ». Car c'est en oubliant les exigences évangéliques de leur vocation baptismale que les prêtres sont tentés de s'identifier à un « rôle sacerdotal » et de se comporter en membre d'une caste. En revanche, c'est en renonçant à leur « aura patriarcale » et en vivant l'égale dignité de tous les baptisés qu'ils retrouveront la capacité de vivre en vérité ce que l'auteur appelle leur « intimité », en se configurant au Christ serviteur, notre unique grand-prêtre selon l'ordre du roi Melchisédech. Et puisque « la grâce présuppose la nature », il faut qu'ils prennent soin de leur croissance en humanité sans chercher à en occulter cette part déterminante qu'est la sexualité. L'expérience le montre, le célibat des prêtres se voue lui-même aux dérives que l'on sait et « à l'épuisement psychosomatique ou spirituel » s'il est envisagé comme un état de vie supérieur aux autres ou dans la perspective de la simple disponibilité « professionnelle ».

À juste titre, l'auteur souhaite que se libère la parole sur la question de l'homosexualité dont diverses études montrent qu'elle concerne un fort pourcentage de prêtres et de prélats. Dans le contexte actuel, refuser l'ordination à des personnes ayant des tendances homosexuelles laisserait sous-entendre qu'il y a un rapport entre homosexualité et pédophilie. Se contenter d'ignorer la question reviendrait à consentir à ce que l'Église protège en son sein, sous le voile du chaste célibat, des pratiques homosexuelles. Refusant toute forme d'ostracisme autant que toute complicité coupable, le frère MichaelDavide considère que la seule question qui vaille est de se demander comment une personne homosexuelle, au même titre qu'une personne hétérosexuelle, peut investir dans l'exercice de son ministère toute sa personnalité sans en exclure la dimension affective.

Les provocations bienveillantes du frère MichaelDavide méritent d'être entendues et discutées, en particulier par ceux qui sont en charge de la formation des futurs prêtres.