Un soir, à Taizé, après l'office. De nombreux jeunes demeurent assis sur les talons dans l'église de la Réconciliation, où ne brillent plus que les lumignons devant les icônes, où ne brisent le silence que quelques refrains repris à mi-voix : « Jésus, le Christ, lumière éternelle, ne laisse pas mes ténèbres me parler... Donne-moi d'accueillir ton amour ! » Que cherchent-ils, ces jeunes qui tout au long de l'été viennent des quatre points cardinaux passer une semaine sur cette colline du Maçonnais ? Est-ce l'aventure, l'exotisme ? Demandez-le à Frère Emile, organisateur des rassemblements : ils viennent chercher le silence ! Non pas l'absence de bruits, mais le silence du cœur, un silence de réconciliation et de paix ouverte à la parole intérieure qui murmure : « Toi aussi, tu es aimé de Dieu ! » Ici et là, dans les diocèses, dans les mouvements et les communautés, de tels rassemblements de jeunes ont retrouvé l'importance de ce silence habité, qui leur permet d'exister devant Celui qui les suscite et les espère, et sans lequel notre monde deviendrait irrespirable.
Mais pour ceux-là, les happyfew qu'une parole intérieure a éveillés, combien demeurent leur vie durant des sourds-muets au plan spirituel ! À peine pourraient-ils se souvenir de la maison paternelle. Deux générations de laïcité pure et dure et d'envahissement publicitaire ont suffi pour faire table rase. Comment pourraient-ils entrer en eux-mêmes et se dire : « Combien de mercenaires de mon père ont du pain en surabondance, et moi je suis ici à mourir de faim ! » (Le 15,17) ? Notre société de consommation qui n'interdit pas l'annonce de l'évangile, comme l'a fait un demi-siècle durant l'idéologie marxiste dans les pays de l'Est, a réussi en moins de temps à stériliser le désir spirituel avant même qu'il ne s'éveille. Il suffit pour s'en convaincre de comparer la chambre du petit Samuel que Dieu appelle