Ce gros ouvrage de Michel Maxime Egger, sociologue engagé dans le développement durable, familier de la spiritualité orthodoxe, propose une réflexion approfondie et fort documentée sur les responsabilités sociales et personnelles devant l’avenir de notre planète. L’un de ses mérites est d’avoir mis le doigt sur la dimension spirituelle de l’écologie. Pourquoi tant d’hésitations, de retards dans la mise en oeuvre des mesures indispensables promues par tant de travaux savants et de colloques internationaux face aux menaces de l’exploitation démesurée de la terre ? Après avoir analysé ces résistances, inscrites dans la culture occidentale par une mauvaise interprétation de la Bible et plus encore par le développement aveugle d’une technique soumise au capitalisme libéral, l’auteur puise dans la tradition de l’Orient chrétien, source de son inspiration, les repères d’une  « écospiritualité » sans laquelle les mesures pratiques risquent de demeurer sans âme et sans effet. L’homme n’est pas ce roi de la création, « maître et possesseur de la nature », qui peut l’exploiter au gré de ses convoitises ou l’aménager comme un simple environnement, un décor de théâtre que l’on démonte après le spectacle. Il est luimême un hôte, un intendant, un liturge de la création, qui doit prendre soin de ce trésor, à lui confié par son Créateur.
Au terme de cette lecture stimulante, on pourra cependant se demander comment préciser davantage le sens des concepts utilisés. La nature est « sacrée », sans doute, mais comment comprendre la distinction sacré/profane dont aucune société ne peut se dispenser ? Nos liens avec la création sont profonds, certes, mais comment entendre que toutes les créatures – astres, animaux, plantes, insectes – sont nos « frères » et « soeurs » ? Ce langage métaphorique peut-il suffire à transformer, sans confusion, notre rapport à la nature ? La tradition théologique occidentale doit, elle aussi, être convoquée pour penser l’écologie spirituelle, comme en témoigne la précision des expressions de saint Ignace dans sa Contemplation pour obtenir l’amour : « Regarder comment Dieu habite dans les créatures : dans les éléments en leur donnant l’être, dans les plantes en leur donnant la vie, dans les animaux en leur donnant de sentir, dans les hommes en leur donnant de comprendre, et ainsi à moi, me donnant d’être, de vivre, de sentir et me donnant l’intelligence, de même en faisant de moi son temple, étant créé à la ressemblance et à l’image de sa divine Majesté. » L’imposante bibliographie que l’auteur nous offre en appendice pourrait y trouver un utile enrichissement oecuménique.
C. F.