Le P. Surin publia en 1657 un recueil de Cantiques spirituels de l'Amour divin Réédités au XVIIIe siècle, ces cantiques sont aujourd'hui à peu près inconnus Celui que nous présentons ici était chanté sur l'air de « Que le Roy s'en aille en Espagne » ! Dans sa simplicité, et jusque dans sa maladresse, il est d'une authentique plénitude spirituelle. Les « mondains » sont sobres et sages. Mais l'ivresse des « saints » est le secret de la joie parfaite, étant l'ivresse de l'amour. « Amour l'a mené dans sa cave », dit dans son style Surin. Nous songeons au mot du Cantique des Cantiques « Mangez, amis, buvez ; enivrez-vous, mes bien-aimés », écho du prophète Isaïe qui comparait le bonheur des temps messianiques à la joie d'un banquet. L'Église, à son tour, a repris bien souvent le thème de la « sobre ivresse », en fondant cette expérience mystique sur les effets spirituels de l'Eucharistie. Ce n'est donc pas trahir Surin que de citer ici le commentaire de saint Cyprien au Psaume 22 . « L'ivresse qui vient du calice du Seigneur n'est pas semblable à celle que donne le vin profane. (. ) Le calice du Seigneur enivre en effet de telle façon qu'il laisse la raison ; il amène les âmes à la sagesse spirituelle ; par lui, chacun revient du goût des choses profanes à l'intelligence des choses de Dieu ; enfin (...), l'usage du sang salutaire et du calice du Seigneur bannit le souvenir du vieil homme, fait oublier de la vie profane, et met au large, en lui communiquant la joie de la divine bonté, le cœur triste et sombre qu'accablait auparavant le poids du péché. »
Ceux à qui l'amour en sa gloire
A donné de son vin à boire
Sont bien faits d'une autre façon
Que ceux que le monde révère,
À qui ne saurait jamais plaire
Le goût d'une telle boisson.
Les mondains sont toujours en crainte,
Perdre c'est leur plus grand plainte,
Jamais ils n'ont assez de bien ;
Les Saints sont faits d'une autre sorte,
Amour de son feu les transporte,
Leur plaisir est de n'avoir rien.
Les mondains ont la tête sage,
Mais dépourvus d'un grand courage
Ils sont de frayeur tout saisis ;
Les Saints ont une autre méthode,
Ils ne sauraient vivre à leur mode,
Dieu pour soi les ayant choisis.
Les mondains sont toujours en peine,
Tout leur esprit est à la gêne,
Ils sont troublés à tout propos ;
Les Saints tout remplis d'allégresse,
Méprisant l'humaine sagesse,
Trouvent en Dieu tout leur repos.
Ayant peur que terre leur manque,
Ces mondains ont tout à la banque
Pour n'être jamais dépourvus ;
Les Saints dedans la Providence
Trouvent un fonds pour leur dépense,
Le Ciel est en souci pour eux.
Les mondains ont l'âme pourvue
De grands desseins, de longues vues,
Pour mettre ordre à tous leurs besoins ;
Les Saints...
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