S’il est un terrain sur lequel le désarroi contemporain paraît à son comble, c’est bien celui de la sexualité. Nos sociétés paraissent osciller jusqu’au vertige entre des tropismes contradictoires. La permissivité claironnante du bavardage médiatique cohabite avec une pénalisation judiciaire des moeurs, plus sévère et plus tatillonne que jamais. À l’individualisme proclamé comme un dogme répondent un sentiment de solitude, une quête de lien et de solidarité, notamment familiale, que confirment tous les sondages. Quant à l’exhibitionnisme permanent — et bruyant — de la « société du spectacle », il suscite un regain d’intérêt pour la pudeur, le quantà- soi ou l’intimité protégée, regain qui joue un rôle évident dans la question du voile au sein de la communauté musulmane.
Ce désarroi, cette rétractation silencieuse prend parfois des formes plus radicales. À propos du prétendu « scandale » de la chasteté, par exemple. Il ne se passe guère de semaine sans que les médias ne dissertent sur un nouvel et étrange syndrome postmoderne de la société laïque : le retour de la continence volontaire, l’inclination nouvelle pour la chasteté qui procéderaient plus d’un refus teinté de lassitude que d’une « réaction morale » au sens traditionnel du terme. La description du LSD (Low sexual desire), par exemple, est devenue un classique du journalisme occidental. Dans les pays anglo-saxons, des campagnes d’origine américaine participant de la même réaction mobilisent depuis dix ans des centaines de milliers de jeunes volontaires. Baptisées True Love waits (« L’Amour véritable attend »), ces campagnes invitent les jeunes filles à défendre leur « droit de dire non » et à rompre avec le pansexualisme contemporain. Détail intéressant : cette insolite rupture, loin d’être présentée comme un retour accepté dans le giron des interdits, est désormais vécue comme un choix. Dans un gros ouvrage, le journaliste et essayiste Jean-Philippe de Tonnac décrit de manière saisissante ce phénomène 1.
Ce désarroi, cette rétractation silencieuse prend parfois des formes plus radicales. À propos du prétendu « scandale » de la chasteté, par exemple. Il ne se passe guère de semaine sans que les médias ne dissertent sur un nouvel et étrange syndrome postmoderne de la société laïque : le retour de la continence volontaire, l’inclination nouvelle pour la chasteté qui procéderaient plus d’un refus teinté de lassitude que d’une « réaction morale » au sens traditionnel du terme. La description du LSD (Low sexual desire), par exemple, est devenue un classique du journalisme occidental. Dans les pays anglo-saxons, des campagnes d’origine américaine participant de la même réaction mobilisent depuis dix ans des centaines de milliers de jeunes volontaires. Baptisées True Love waits (« L’Amour véritable attend »), ces campagnes invitent les jeunes filles à défendre leur « droit de dire non » et à rompre avec le pansexualisme contemporain. Détail intéressant : cette insolite rupture, loin d’être présentée comme un retour accepté dans le giron des interdits, est désormais vécue comme un choix. Dans un gros ouvrage, le journaliste et essayiste Jean-Philippe de Tonnac décrit de manière saisissante ce phénomène 1.
Le retour à la maîtrise de soi
Inimaginables il y a quelques années, ces refus ne participent aucunement du moralisme religieux ou laïc, même s’ils prennent le contre-pied des revendications permissives d’hier. Si l’on agit ainsi, ce n’est point, cette fois, par pruderie mais au nom du libre arbitre, c’est-à-dire en prenant au mot la permissivité elle-même. Ces refus de la sexualité expriment donc, d’abord, une volonté de réappropriation — mais à l’envers — du concept de liberté. On aurait bien tort de ne voir dans tout cela qu’un prétendu « retour au puritanisme » (pour parler comme les médias), voire d’une « régression obscurantiste » (autre formule médiatique convenue). Mieux vaudrait essayer de comprendre à quel trouble, à quel vide, à quelle hésitation mais aussi à quelle révolte répond ce retour délibéré à la maîtrise de soi.
La première réponse consiste à prendre à contre-pied, si j’...
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