J'ai choisi de vous parler des transformations dans la pratique des Exercices, de celles qui me semblent heureuses et de celles qui me paraissent moins heureuses, en me limitant aux cinquante dernières années, c'est-à-dire à une aire culturelle et à une époque dont peut témoigner la revue Christus. C'est essentiellement elle que j'interrogerai pour essayer d'y voir clair, sans méconnaître toutefois que l'on constate la même évolution au Canada, en Espagne, en Allemagne, en Autriche, et sans doute en d'autres pays.

Une profonde évolution


Il y a cinquante ans encore, les Exercices étaient souvent conçus comme un temps fort de prière que des religieuses, des prêtres, des séminaristes ou des laïcs engagés pratiquaient à intervalles réguliers, sans que leur démarche impliquât nécessairement une décision, un engagement de leur liberté, hormis les traditionnelles résolutions jamais tenues. On parlait plus de retraites que d'Exercices. Il s'agissait d'ailleurs moins de s'exercer que d'écouter un prédicateur, qui proposait des points de méditation sous forme de longues prédications, où toute la matière était mâchée et prédigérée. La retraite durait cinq ou huit jours ; les retraitants allaient voir le père prédicateur pour se confesser ou, dans le meilleur des cas, pour demander la solution d'un problème de vie, et ils s'en retournaient louant ou blâmant le prédicateur, comme si ce dernier avait été le seul artisan de la retraite.
Ces retraites étaient caractérisées par leur durée (on parlait de retraite de cinq, huit, dix ou trente jours) ou par le groupe qui les fréquentait (on proposait des retraites pour séminaristes, pour prêtres, pour religieuses, pour universitaires, pour médecins, ingénieurs, etc.). L'offre était souvent définie par le contenu théologique, spirituel ou biblique évoqué dans le titre de la retraite, et celui qui l'animait était d'abord un spécialiste de la matière annoncée : un bibliste, un théologien, un spirituel, un expert en pastorale. Dès lors, rien n'interdisait la pratique des Exercices en grands groupes, même des Exercices de trente jours, sans concertation préalable.
Depuis cinquante ans, on assiste à une profonde évolution, qui concerne particulièrement les points essentiels de la pédagogie ignatienne, à savoir le but pour lequel on fait les Exercices, leur forme, leur durée et le style d'accompagnement proposé. Des