Face à l’angoisse
Avant d’être fixé sur mon sort, la crainte m’est venue plus d’une fois de ne pas savoir mourir, le moment venu, car il est certain que je suis horriblement impressionnable. Je me rappelle un mot du cher vieux docteur Delbende (...). Les agonies de moines ou de religieuses ne sont pas toujours les plus résignées, affirme-t-on. Ce scrupule me laisse aujourd’hui en repos. J’entends bien qu’un homme sûr de lui-même, de son courage, puisse désirer faire de son agonie une chose parfaite, accomplie. Faute de mieux, la mienne sera ce qu’elle pourra, rien de plus. Si le propos n’était très audacieux, je dirais que les plus beaux poèmes ne valent pas, pour un être vraiment épris, le balbutiement d’un aveu maladroit. Et à bien réfléchir, ce rapprochement ne peut offenser personne, car l’agonie humaine est d’abord un acte d’amour.
Il est possible que le bon Dieu fasse de la mienne un exemple, une leçon. J’aimerais autant qu’elle émût de pitié. Pourquoi pas ? J’ai beaucoup aimé les hommes, et je sens bien que cette terre des vivants m’était douce. Je ne mourrai pas sans larmes. Alors que rien ne m’est plus étranger qu’une indifférence stoïque, pourquoi souhaiterais-je la mort des impassibles ? Les héros de Plutarque m’inspirent tout ensemble de la peur et de l’ennui. Si j’entrais au paradis sous ce déguisement, il me semble que je ferais sourire jusqu’à mon ange gardien.
Pourquoi m’inquiéter ? Pourquoi prévoir ? Si j’ai peur, je dirai : j’ai peur, sans honte. Que le premier regard du Seigneur, lorsque m’apparaîtra sa Sainte Face, soit donc un regard qui rassure !
Georges Bernanos
Journal d’un curé de campagne
OEuvres romanesques complètes
Plon/Seuil/Gallimard, 1961, p. 1256
Journal d’un curé de campagne
OEuvres romanesques complètes
Plon/Seuil/Gallimard, 1961, p. 1256
La maladie psychique est devenue depuis une vingtaine d’années une préoccupation majeure de nos contemporains. Elle atteint la plupart de nos familles, confrontées à la lente dégradation mentale de leurs aînés, mais aussi au déséquilibre de leurs jeunes et au stress plus ou moins bien assumé de leurs responsables. Nous avons choisi de regarder cette réalité en face. Le Dr Jeammet nous y introduit à travers le prisme de l’adolescent déstructuré.
La peur de la folie occupe une place centrale au coeur de ce qui nous semble spécifier les peurs des êtres humains. Le retrait et la fuite — avec leurs opposés : l’attrait et l’appétence — font partie des mécanismes basiques du vivant qui en assurent le développement et la protection. Il faut un cerveau pour que ces comportements puissent être déclenchés par une émotion spécifique : la peur. La spécificité de l’humain, c’est la conscience de ses états émotionnels avec l’activité de mise à distance c’est-à-dire de dédoublement et de réflexivité qu’elle implique. L’homme sait q...
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